Comment le Japon réagit-il à l’annonce des adieux du pape de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki, 72 ans, au cinéma ? Le maître a évoqué une forme de pré-retraite pour les dix prochaines années.
Hayao Miyazaki sort un film, et prend sa retraite du cinéma. © Creative Commons - Natasha Baucas via Wikimedia Commons
< 06'09'13 >
Miyazaki, la retraite en buzzant
(Tokyo, de notre correspondant) Quand Hayao Miyazaki tire sa révérence, le monde s’incline. L’annonce de la retraite du réalisateur culte de l’animation japonaise a déclenché des vagues de commentaires sur les réseaux sociaux du monde entier. Jusqu’en Chine, où peu de Japonais trouvent pourtant grâce aux yeux de la population ces temps-ci. Au Japon, où Hayao Miyazaki est considéré comme un demi-dieu, la Toile a retenti ce vendredi après-midi d’un grand « otsukare sama deshita », la formule rituelle pour saluer l’effort de quelqu’un. Cet internaute écrit par exemple : "Beau travail, vous pouvez vous reposer maintenant" :
Cet autre affirme : « Que ceux qui pensent que cet homme est la fierté de l’animation japonaise retweetent ! »
Après l’annonce dimanche dernier, à la Mostra de Venise, de la retraite du fondateur du Studio Ghibli, Miyazaki s’est expliqué ce vendredi à Tokyo devant 70 équipes de télévision et 600 journalistes, lors d’une conférence de presse. La retraite du réalisateur de 72 ans, annoncée plusieurs fois ces dernières années, est presque un running gag au Japon. Sur Twitter, l’un d’eux a même donné la chronologie des cinq annonces :
Littéralement ça donne : « 1986, Le Château dans le ciel -> Miyazaki fait allusion à se retraite. 1992, Porco Rosso -> Miyazaki : « J’ai fait ce que je voulais faire. L’animation, c’est fini » 1997, Princesse Mononoke -> Miyazaki : « C’était le dernier. Je prends ma retraite. » 2004, Le Château ambulant -> Miyazaki dit qu’il n’a plus la passion, fait allusion à sa retraite. 2013, Le Vent se lève -> L’annonce de sa retraite fait l’ouverture du journal de la NHK » (la télévision nationale japonaise, ndlr) Oui mais « cette fois, c’est pour de vrai », a annoncé le maître tout de go. Evoquant son âge et sa vue qui baisse, il a noté que faire un film lui prenait de plus en plus de temps, cinq ans pour « Kaze Tachinu », « Le Vent se lève », et qu’un nouveau film exigerait de lui probablement « six ou sept ans. Je vais avoir 73 ans, et j’en aurais donc 80 à la fin. Si je disais que je veux faire un nouveau film, j’aurais l’air d’un vieil homme qui dit des bêtises. » Ses fans ont tout suivi de la conférence de presse, comme « chi3310 » : « J’ai regardé la conférence de presse de Hayao Miyazaki sur Nico Nico Douga [site japonais de partage de vidéos où la conférence était visible en streaming, ndlr]. Il a la tête bien droite, il parle bien, le cerveau a l’air de fonctionner, mais il prend sa retraite ? Otsukare sama deshita ! »
Mais en réalité, le créateur de « Princesse Mononoké » n’a annoncé « que » son intention d’arrêter les longs métrages, et compte bien continuer à travailler « au moins dix ans de plus ». « Je vais être libre. Toutefois, tant que je pourrai prendre ma voiture pour aller au studio, j’irai. Ce que je voudrai faire, je le ferai », a-t-il ajouté, sans plus de précision. Tout juste une allusion au fait qu’il voudrait s’investir davantage dans le musée Ghibli, mitoyen du studio à Tokyo. « Peut-être que j’y serai exposé », a-t-il ajouté, pas avare de plaisanteries. Sur ce montage qui reprend le graphisme de l’affiche et la formulation du titre « Kaze Tachinu » (le vent se lève), un internaute a écrit : « Je ne prends pas ma retraite complètement »
Le réalisateur fait décidément couler beaucoup de larmes ces temps-ci. Son dernier film, « Le vent se lève », considéré comme le plus adulte de toute son œuvre, a ému les spectateurs japonais (et accessoirement fait 8 milliards de yens de recettes, soit 61,4 millions d’euros). Le maître lui-même n’avait pas pu cacher son émotion lors de la première. « Le Vent se lève », bande-annonce du dernier film d’Hayao Mizazaki, 2013 : Il a également fait couler beaucoup d’encre électronique sur les réseaux sociaux. Il faut dire que Miyazaki s’était fendu d’un texte paru en même temps que sortait son film sur les écrans japonais, fin juillet, dans lequel il dénonçait violemment l’ambition du Premier ministre Shinzo Abe de réviser la constitution pacifiste du Japon. De quoi pousser certains internautes à le menacer de boycott. Sans effet, visiblement. Sa pré-retraite, elle, est l’occasion de réactions plus loufoques... Tel cet internaute qui dit : « C’est vraiment dommage qu’il prenne sa retraite... Mais j’ai dessiné Porco Rosso sur un cappucino ! »
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