Récit d’un buzz politico-culturel autour de « Persepolis 2.0, le soulèvement post-électoral iranien : espoirs et peurs », par Payman et Sina, basé sur la série originale « Persepolis » de Marjane Satrapi (ed. l’Association).
Le trait est celui de Marjane Satrapi, l’auteur de BD, mais le texte est signé Sina et Payman, deux jeunes Iraniens exilés. © DR
< 06'07'09 >
« Persepolis » fait des bulles 2.0 contre la répression en Iran
Ce ne sont que dix petites planches, reformatées d’après les BD originelles de Marjane Satrapi. Mais ces dix pages que l’auteur iranienne n’a pas signées se répandent comme traînée de poudre sur l’Internet pour actualiser la saga « Persepolis », y intégrer la deuxième révolution iranienne, celle qui a suivi l’élection présidentielle tronquée du 12 juin dernier et la répression sanglante des manifestations qui ont suivi. Marjane Satrapi n’y est pour presque rien. Sauf son accord de principe, ce n’est pas elle qui décrit ce « sentiment d’espoir électrique » né à Téhéran juste avant la présidentielle, quand l’espoir des modérés faisait croire à une transition démocratique. 50.000 internautes en provenance de 150 pays ont déjà vu depuis le 27 juin « Persepolis 2.0 », selon ses instigateurs. Une histoire de buzz politico-culturel emblématique de cette net-culture dont poptronics vous rebat les oreilles. On a déjà beaucoup glosé sur l’influence de Twitter sur le mouvement iranien, d’aucuns critiquant son manque de fiabilité, d’autres réactivant la théorie du complot (Thierry Meyssan pour qui la CIA a manipulé via les réseaux sociaux les foules). L’exemple de « Persepolis 2.0 » est beaucoup plus parlant : Sina et Payman, les auteurs de cette retouche à la Photoshop du best-seller original n’ont pas encore trente ans, ils n’habitent ni dans la même ville ni sur le même continent : Sina est en Californie tandis que Payman habite la Belgique. Ce qui les rapproche, en premier lieu, c’est leur origine iranienne, ensuite vient leur métier, le marketing côté buzz pour start-ups et la stratégie pour grandes entreprises fortunées… Et forcément, l’Internet, sans lequel jamais « Persepolis 2.0 » n’aurait vu le jour. « Nous voudrions que les gens qui vont lire “Persepolis 2.0” comprennent que nous ne sommes ni éditeurs professionnels, ni écrivains ou même activistes, nous sommes simplement deux directeurs marketing qui avaient un fort désir de faire QUELQUE CHOSE », explique Sina. Au lendemain de la première manifestation réprimée dans le sang à Téhéran, le 21 juin, Sina et Payman ont l’idée d’utiliser l’univers de Marjane Satrapi. Pour ces jeunes Iraniens, l’œuvre de Marjane Satrapi est « probablement le travail le plus iconique sur l’Iran post-révolutionnaire pour notre génération ». Ils n’ont alors en tête qu’un seul but : « Créer une manière simple d’informer les non-Iraniens sur ce qui se passe en Iran. Parce que nous pensons que le monde devait d’abord comprendre la situation, pour qu’il apporte son soutien aux Iraniens. Quand bien même Persepolis 2.0 ne peut pas aider les Iraniens à devenir plus libres, le fait qu’il soit diffusé si largement montre que le monde se préoccupe de leur sort. » En filigrane, Sani espère ainsi faire davantage pression sur les mollahs pour qu’Ahmanijedad et consorts ne puissent pas si facilement « recourir à la violence et la répression ». Les deux exilés affirment avoir reçu la visite de 5000 internautes en provenance d’Iran sur leur site. Evidemment, un journal conservateur, le Jahan News, a « dénoncé le projet ». Tant mieux… « Persepolis 2.0 », par Sina et Payman, diaporama : Emblématique d’une nouvelle forme d’action citoyenne sur l’Internet, « Persepolis 2.0 » l’est aussi du point de vue des outils employés : les planches des BD de Marjane Satrapi ont simplement été retouchées pour y intégrer les derniers événements à l’intérieur des bulles et cartouches, les événements du passé de Marjane, la révolution iranienne, la chute du shah de 1979 ont été remplacés par les quinze jours qui ont suivi l’élection présidentielle qui a remis en selle Ahmanijedad. Le site dédié, intitulé Spreadpersepolis.com, propose à la fois le téléchargement en PDF et la version Flick’r (comme ci-dessus) que tout le monde peut diffuser. Et Sani annonce « prochainement » des versions en français, espagnol, portugais, italien, farsi et arabe. La net-culture, réactive, participative et acentrée, permet ce genre de détournements politiques. Alors même que Marjane Satrapi s’était exprimée au lendemain de l’élection pour dénoncer « le coup d’état », « Persepolis 2.0 » est sans doute le meilleur instrument de prise de conscience politique immédiat et générationnel qui soit. Le pdf de « Persepolis 2.0 » :
PopAntivirus#8 Resistencia (2) ou la musique libérée
Anne Horel en interview pizza emoji Il twittait avec ses chaussures debout Sur les traces du point G dans « Mon Lapin Quotidien » (2018) Jour 14, Carnet de bord du cercle polaire, Plage Bière qui GIF n’amasse pas mousse Twitter et le chant des bots ReGeneration, le tour du monde en 80 photographes Pop’geek De la dope et des flingues |