5 ans, 50 portraits.
Aujourd’hui : Pierre Giner, artiste nouveaux médias, scénographe, curateur, directeur artistique, né en 1965, vit et travaille en France.
Auteur : Matthieu Recarte, journaliste.
5 ans, 50 portraits. Aujourd’hui : Pierre Giner, artiste nouveaux médias, scénographe, curateur, directeur artistique, né en 1965, vit et travaille en France. Auteur : Matthieu Recarte, journaliste.
Autoportrait numérique très fortement deuxième degré de Pierre Giner, un des artistes proches de Poptronics. © Pierre Giner
< 18'06'13 >
Pierre Giner ou l’art de pérégriner
(pop’50) “Commerce. Cette société internet met aux enchères les corps non souhaités par leurs occupants naturels” “Redistribution. Les lâchers de billets par avion au-dessus de Neuilly seront renouvelés. Le ministre du Budget se félicite de cette rénovation des modalités de subvention plus festive et moins administrative.” Singeant les fils d’info des sites d’actu, ces haïkus qui défilent sur la page d’accueil de Poptronics sont la discrète contribution que Pierre Giner a imaginée pour le lancement du site, auquel il a participé de très près (il était dans le cinq majeur). Artiste protéiforme, pionnier des nouveaux médias (avec “Ça dure un peu” en 1998, la cigarette digitale qui se consume d’un clic, un “classique” du web et de l’art-réseau), on peine à donner un âge à ce zébulon canaille, verbe haut et rire communicatif, les poches toujours pleines de projets qui s’entrechoquent. Du simulateur de vol détourné “Le Bruit des avions” (2002) au jeu de voitures déviant “Keep the Distance” (2002-2007), en passant par la dérive urbaine saisie sur téléphone portable (“Elsewhere Japan”, 2003), Pierre Giner est partout chez lui depuis vingt ans, à l’affût des nouvelles technologies (vidéo, téléphonie mobile, site web, jeu vidéo, tablette numérique…) qu’il hybride pour mieux les interroger. Car Pierre se pose beaucoup de questions sur ses images, la façon de les diffuser, d’organiser leurs collisions ou leur collusion. Au point d’agacer parfois ses interlocuteurs, qui ne comprennent pas toujours que pour lui, un projet (se) vit jusqu’à la dernière minute. D’où des changements permanents, des adaptations, des réécritures et des prolongements. Pierre est un artiste de flux, artiste à l’affût. Pierre Giner - “Elsewhere Japan” (avec Playdoh) (2003) : De Tokyo à Montréal, de Séoul à Budapest, de Barcelone à Shanghai, ce globe-trotter impénitent ne cesse de compléter et d’augmenter ses différents travaux. Il (re)passe par le livre et la vidéo en poursuivant sa série “Elsewhere”, requalifie les collections du Cnap avec “Cnap n”, crée des applications pour smartphones en réalité augmentée (“Fantastic Society”, 2012) ou invente mille formes qui ne demandent qu’à sortir des dossiers de ses ordinateurs. Il a vécu au Japon, s’est posé à Paris, mais passe le plus clair de son temps en Chine et en Corée, multipliant les rencontres (“Ce qui me plaît chez les autres, c’est qu’à partir d’un même énoncé ils fassent autre chose”) et les recherches, bâtissant une œuvre ouverte à tous les vents numériques dans laquelle ce grand lecteur d’Adorno n’oublie jamais de lier les dimensions populaire et intellectuelle. “Je ne crois pas que l’artiste soit supérieur à qui que ce soit, assure-t-il. Un artiste, c’est quelqu’un qui se permettrait de vivre à sa manière, qu’il tienne un bistrot ou soit écrivain. Je suis intéressé par tous les savoir-faire : celui du bricoleur comme celui de l’industriel ou du technicien. Cette question des rôles dans la société n’a aucune importance. Je défends une pratique oulipienne de la société et de la technique : redistribuer, reproduire, pour faire autre chose.” Pour preuve, son outil de VJing “I dance” (2007), un dancefloor virtuel mutant, sorte de bal populaire du samedi soir augmenté, qu’il promène sur les places et dans les centres d’art du monde entier (ou pour l’anniversaire de la Géode) accompagné des meilleurs DJs. Une attention au public, à la culture dite populaire, à l’inclusion de son travail dans la vie, qu’il a cultivées auprès de celui qu’il appelle son “père” (et qui l’a fait son “fils”), l’architecte Patrick Bouchain. Pierre Giner - “I dance” (2010) : Aujourd’hui connu et reconnu, il se définit comme “un tricoteur ou un passeur”, reprenant le beau mot de Serge Daney. Artiste mais aussi curateur, scénographe, directeur artistique, ses multiples casquettes lui font rencontrer des mondes parallèles qu’il n’a de cesse de faire dialoguer. “Ça m’intéresse de redistribuer des choses avec un certain degré de fantaisie que je me permettrais ou que je permettrais. Quand je travaille avec des entreprises à partir de leurs technologies, avec des stylistes à partir de leurs créations, j’essaie simplement de contribuer à créer un objet tiers, nouveau, qui serait le fruit de cette collaboration. J’essaie d’organiser des courants et de rester le spectateur du résultat. L’objet final est un objet dont nous avons été capables. Ce n’est pas forcément l’objet que je souhaitais : c’est ce qui apparaît si on se réunit.” Co-commissaire de “Museogames” en 2010, la première exposition jouable dans une institution parisienne consacrée au jeu vidéo (il avait d’ailleurs associé Poptronics à l’aventure, il est depuis 2012 le directeur artistique de l’Imaginarium à Tourcoing, un “atelier des industries créatives” où il convie artistes bidouilleurs, bricodeurs, créateurs de jeux vidéo indépendants, curateurs, acteurs de l’économie collaborative… Des personnalités, artistes ou pas, qui sortent du cadre, furètent et questionnent la société. Interview de Pierre Giner, à l’occasion de l’exposition “DiY” à l’Imaginarium (2012) : Au carrefour des pratiques et des entités, Pierre peut aussi bien travailler avec des entreprises (à la Plaine Images de l’Imaginarium qui accueille des start-up dédiées aux nouvelles images), des poètes (voir sa collaboration ancienne avec Frank Smith, dont la lecture augmentée de “Gaza, plomb durci” a été récemment censurée par la Fondation Cartier) ou des institutions (le Centre national des arts plastiques, l’Atelier de création radiophonique de France Culture pour la Nuit Blanche 2009). Avec un enthousiasme communicatif, ce vrai gentil mais grand têtu met en acte cette devise d’un de ses auteurs favoris, Philip K. Dick : “Si ce monde vous déplaît, imaginez-en d’autres.” /////////// En réponse à notre demande d’autoportrait numérique, Pierre Giner nous a d’abord envoyé cette capture d’écran d’un anagramme, « pérégriner », qui lui colle comme un gant... Il a ensuite envoyé cette image :
/////////// Aller plus loin
Le 9 juillet, table ronde avec les invités, qui, toutes les trois semaines pendant la durée de l’exposition, ont choisi et commenté des jeux à l’intérieur de “Play Again”. A la Friche de la Belle de mai, dans le cadre de Marseille Provence 2013, “Des images comme des oiseaux”, une traversée dans la collection photographique du CNAP, exposition conçue et réalisée par Pierre Giner avec Patrick Tosani, du 6 juillet au 29 septembre 2013, vernissage le 4 juillet. "Gaza, d’ici-là/Talk Saver", performance multimédia du poète Frank Smith avec Pierre Giner, en tournée fin juillet au festival Voix Vives en Méditerranée à Sète, et, du 28 au 30 mars 2014, à POEMA, au CCAM-scène nationale de Vandœuvre-lès-Nancy. Avec Patrick Bouchain, dans le cadre de l’université foraine à Rennes, réouverture de cette ancienne faculté des sciences Pasteur pour des usages “impensés ou oubliés”, en octobre et sur 2014.
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