Compositeur et multi-instrumentiste autodidacte, Hermeto Pascoal a d’abord écouté la nature avant d’en jouer. Orchestre de dindons, chorales de grenouilles, puis martèlements de ferrailles en tout genre… il faudrait une page entière pour dresser l’instrumentarium du Monsieur. A cela s’ajoutent des instruments classiques (flûte, piano) où il excelle. Mais pour cet albinos natif du Nordeste au Brésil, la nature a toujours tenu un rôle essentiel, comme en témoigne cet incunable. Ici, il joue de l’eau ! Comme un dieu Neptune entouré de disciples christiques, le gourou compose in vivo avec les éléments. Au début, ça prête à rire, puis très vite on est submergé par le merveilleux.

On comprend alors pourquoi une figure comme Miles Davis appelait Hermeto « Maître ». D’ailleurs, le double album légendaire « Live Evil  » de Miles en 1970 compte quelques courtes pièces abyssales signées par Hermeto pour la trompette aérienne de la Star. L’histoire dit que Hermeto n’a pas continué la collaboration parce que le roi Miles voulait lui voler ses compos sans le créditer. Chose fréquente à partir des années 70 chez Miles Davis, mais que peu osaient contester. Malgré ce volte-face, Pascoal avait acquis une reconnaissance internationale et un statut unique dans le monde du jazz. Par la suite, il se perdra parfois dans des circonvolutions jazz fusion un peu trop démonstratives. La vidéo « Música da Lagoa » est tout le contraire d’une démonstration, c’est une communion unique. Avec un seul micro au-dessus de l’eau, deux caméras et quelques points de montages… Rien de plus et tout est là, tout est vrai, même les papillons qui viennent conclure cette sublime farandole écolo.

jean-philippe renoult