© DR
< 24'09'08 >
Saison 1, épisode 2’ Pour le meilleur et pour le peer
C’est le continent oublié. La terre d’outre-centre. La zone où vous croisez des chasseurs aux yeux affamés, sans proie réelle, des bêtes faussement traquées, des tags à moitié effacés. Un amoncellement d’identités y vivent, en viennent, y retournent. Un univers low polygon où une vie dure le temps de votre jugement, de sa sentence, puis de son exécution froide. Le permis de tuer est inclus dans vos privilèges d’humides. Une décharge à ciel ouvert d’histoires 1D, comme vue à la télé. Des carcasses de chars, comme vus à la télé. Des caves de crasse, comme vues à la télé. Des 404 de la vie. Identités recluses dans un parcours du combattant. Je pénètre dans l’aire de mort. Armée. Affûtée. Fear [N]. Des couloirs murés. Des chiens demeurés. Stalker [N]. Mon Geiger infiltre la boue appauvrie. L’uranium inonde l’air. Les cadavres m’attaquent en panoramique 360. Je flingue à tout corrompre. Exterminez-les tous. Ça grouille entre les pylônes. Mon Geiger devient Larsen. Tchernobyl, Ana, les enfants bicéphales et les post-rivières de souffre. Je cours, j’entends l’avat’ qui s’essouffle, je continue quand même, je devrais déjà être flaque, un crâne explose sur mon passage puis un autre, puis encore un autre. Puis c’est mon sang. Une caméra drone me survole en cercle. VOUS ÊTES MORT est écrit sur le flux de pixels.
NON. Toujours en stage survie. Pas une banlieue interdite dans l’Oural soviétique, ni un ministère surblindé à Moscou – Frontlines/Fuel Of War [N]- juste Argenteuil. 95. Pas 93. La zup. Des identités évidées aussi. Dans d’autres tranchées humaines. Verticales, les tranchées. Ici le gameplay est ambigu. Même béton, mêmes horizons opaques, même violence souterraine. Mais moins électrique pour les peuples du centre. Moins gratuit le meurtre. Moins immédiatement spectacle.
Aire toujours interdite. Comme vu à la télé. En vrai. Ils n’y viendront jamais.
Je suis chez le frère. Le grand. La tête brûlée. Tout massacré à l’époque. Toute la ligne. Défonçait le moindre wagon. Acide fait maison. Une autre histoire. Un autre jour. Toni ne sait rien. De ma survie. Il sait juste que j’en ai besoin pour supporter. Alors il me fournit sans me questionner. Il n’a pas à me répondre lui-même. On met ça dans un Kinder et le Kinder, j’irai me cacher pour me le carrer dans la chatte. Le temps du retour de l’errance vers les territoires blancs. Du centre.
Je suis dans le wagon. Les Kärchers ont bien purgé les sanitaires. Presque plus de noms. Presque plus de baves sur le métal. Encore des coups de griffe sur les vitres. Les passagers acculés qui cherchent à s’enfuir. Peut-être. A s’extirper de la gangue motorisée. Des anonymats qui rient plus loin, au fond. Ce ciel dont le bleu me remue toujours. Derrière le verre raturé.
Je m’injecte 120 décib’ dans les deux cerveaux. Dans l’urgence. Casque bien vissé sur les oreilles. M’inventer un autre monde. Comme tout le monde. M’encercler un peu plus. Et y cerner plus tard ceux qui me paient. Ceux qui veulent effacer les mots. Les nouveaux chiffres. Je vais ouvrir. Encore 30 minutes. Je vais dézoner. Patience, les humides.
Cet ovule jaune dans l’orifice me rend fébrile. Je passe d’une plage à une autre résonance. CURRENT 93 – Black ships ate the sky [P] et les passagers alentours deviennent presque beaux. RYOJI IKEDA – 0111111111 – Matrix [P] et chaque corps perd mollement de sa flottaison. Je perçois très loin le rire qui vient du fond. Toutes les couches sonores se mixent. Toutes les couches mentales se recouvrent. Et les conversations de mes voisins jouxtent CHARLES BUKOWSKI qui récite « Piss and Shit » [P] et je souris. 3ème mouvement - Symphonie N°11 - 1905 - CHOSTAKOVITCH et leurs rires… non, l’image de leurs rires alors post-synchronisée, devient celle de l’imminence du drame. De l’inconscience de la tragédie.
TANGERINE DREAM - Sunrise In The Third System - Alpha Centauri [N]. Et il est temps de s’arracher du tarmac. Le monde n’existe plus. Cette foule n’est pas une foule. Mais juste une accumulation d’icônes. Comme sur l’écran. Un tas de dossiers copiés, et recopiés jusqu’à saturation du média vie. Oublie le control + Z, le monde l’a exclu dans son interface. Oublie le control + Q.
Tu es chez toi. Tu y reviens toujours. On dirait l’éblouissante Rampling dans le Portier de Nuit - The night Porter - LILIANA CAVANI - [N] qui ne jouit enfin de la vie que lorsqu’elle choisit de dépérir auprès de son ex-bourreau. Sauf que je ne suis pas Rampling. Et que d’éblouissant je n’ai que le vice.
Mais moi aussi j’ai envie de jouir. J’enfile le costume. Le podium est devant moi. Les miradors aussi avec leurs humides communs. J’enfile deux traits. Je liste les connectés. Et je choisis la comtesse. Une vieille gouine aimable. On dirait que c’est ma mère qui me surprend en train de me branler et ça me chauffe les lèvres. Inférieures. SOLARIS.
La version TARKOVSKI. Musique : EDUARD ARTEMIEV. [N].
Chaque orgue m’enfonce un peu plus loin. J’ai écarté fort les cuisses devant l’œil. Je sais qu’elle est là à me viser. A me vouloir. Mourir un peu. Mourir très vite. Et le doigt que je remue sous le slip que j’ai gardé doit la tuer en retour. Je viens vers toi, Solaris. Je me mets sur les genoux. Et les instantanés fusent sur l’écran. Elle me dit : laisse tomber tes cheveux vers le noyau de l’astre. Prosterne-toi. C’est un talon qui tombe. La comtesse. Je cours, je sens l’avat’ qui s’essouffle, je continue quand même, je devrais déjà être flaque, un crâne explose sur mon passage puis un autre, puis encore un autre. Puis c’est mon jus.
Et mes doigts qui finissent par rentrer en spirale dans ma chatte.
Au goût d’acier.
Fin de mission.
Tags : peer to peer, usenet, solarseek, emule, newsleecher, fear, stalker, frontlines/fuel of war, current 93, ryoji ikeda, charles bukowski, chostakovitch, tangerine dream, the night porter, tarkovski, solaris, eduard artemiev.
Saison 1, épisode 1
ana vocera
|
|
|