“Planète Marker”, rétrospective Chris Marker au Centre Pompidou, entrée cinéma 2 à 6 € ; exposition, rencontres, table ronde, performances, salon de lecture : en accès libre.
L’entrée de l’Ouvroir de Chris Marker sur Second Life, avec l’affiche du pop’lab sur la gauche, Guillaume-en-Egypte en guide facétieux, et l’ami M.Chat en embuscade. © DR
< 18'10'13 >
Sous le signe de Chris Marker et des chats

C’est la plus grande rétrospective jamais organisée autour de Chris Marker, qui a ouvert cette semaine au centre Pompidou à Paris. « Planète Marker » porte à merveille son nom, et ce n’est pas parce que Poptronics y est associé (modestement, on vous détaille ça plus loin), qu’on parle de merveille, mais bien parce qu’enfin l’artiste, poète, cinéaste, bricoleur numérique, inventeur formel et arpenteur infatigable du monde, y est présenté sous toutes ses facettes.

Exposition, rencontres, projections, débats, performances, coffret DVD, inédits… Le programme, qui occupe le Forum -1 du centre Pompidou (exposition des œuvres de Marker conservées par le Musée), les salles de cinéma du musée d’art moderne (tous ses films, et tout un tas d’autres en résonance avec son cinéma), les espaces de la Bpi (un salon de lecture, des rencontres), tout comme les tuyaux hertziens et numériques d’Arte (partenaire officiel) jusqu’au 22 décembre, est réjouissant, exhaustif et fait oublier des années plutôt difficiles en ce qui concerne la reconnaissance de l’œuvre protéiforme de Marker.

Chez Poptronics, on s’en réjouit d’autant plus que cette « Planète Marker » est placée sous le signe de Guillaume-en-Egypte, le double félin de Chris Marker, qui officia en tant qu’unique et singulier chat pigiste sur ce site, depuis son lancement en 2007 jusqu’au 1er janvier 2010.

Chris Marker a vécu de multiples vies, sous de multiples identités. Sur Poptronics, le chat orange avait la vedette et son auteur nous empêchait alors de dévoiler ses secrets de fabrication (secret de polichinelle, les amoureux de l’œuvre de Chris connaissaient Guillaume, certains avaient même eu la chance de rencontrer le “vrai” Guillaume, un “Chat écoutant la musique”).

Chris Marker, disparu à l’été 2011, le jour de son 91ème anniversaire, a accompagné, soutenu et défendu Poptronics d’une discrète et élégante façon. Nous aurons l’occasion de parler de ce compagnonnage très particulier et l’activisme très contemporain de Marker le 2 novembre à Beaubourg, avec Christophe Jacquet dit Toffe et Annick Rivoire, respectivement directeur artistique et fondatrice de Poptronics, et Kiki Picasso, qui avait le premier diffusé en ligne les collages de Guillaume-en-Egypte, sur « Un regard moderne », hélas défunt depuis (quelques traces ici et

Et comme la muséification n’est pas vraiment notre tasse de thé, nous avons préféré poursuivre les intuitions géniales de Chris Marker dans le champ du multimédia, de l’écriture hypertexte en passant par l’arborescence (idéale pour l’obsession de Marker pour la mémoire, collective comme individuelle). Une façon pour Poptronics de rendre hommage au “geek” Marker, génial et visionnaire dans l’histoire créative des nouveaux médias. Il n’a cessé d’en repousser les limites techniques, comme il l’a fait au cinéma avec « La Jetée » (le premier film en images fixes, un « photo-roman », ou avec « le Joli Mai » (où Pierre Lhomme, son co-réalisateur, inaugure la prise de son synchrone), première incursion du « temps réel » dans un tournage de cinéma.

Notre hommage au bricodeur magistral, nous l’avons voulu créatif. C’est pourquoi nous travaillons depuis plus d’un an à une enquête archéo-numérique autour du programme “DIALECTOR”. Codé par Chris Marker en Basic sur un Apple II à la préhistoire de l’informatique personnelle, dans les années 1980, et sous-titré “The Second Self”, “DIALECTOR” est un agent conversationnel à l’esprit tout markérien, que son auteur a laissé prendre la poussière (numérique) sur une disquette 5 pouces 1/4, quand Apple a décidé que les utilisateurs n’avaient plus leur mot à dire en terme d’écriture informatique.

Cette disquette antédiluvienne, Chris l’avait confiée en 2010 à l’artiste Agnès de Cayeux pour qu’elle en extraie le code, ayant également joué avec les agents conversationnels. André Lozano dit Loz, artiste adepte des ordinausores, a réussi, avec l’aide d’interlocuteurs incroyables, et à l’issue d’une quête-enquête sur laquelle nous reviendrons en détail, à réactiver cet agent conversationnel signé Chris Marker. “DIALECTOR” est émulé sur nos machines d’aujourd’hui, avec son interface datée (majuscules vertes sur fond noir), en anglais (la langue de la programmation informatique, la langue que préférait Chris Marker pour écrire), comme un de ces multiples jeux des débuts de l’informatique personnelle.

Poptronics, associé pour l’occasion aux Films du jeudi et à Arte Creative, s’est lancé dans cette enquête vidéo-archéo-numérique pour faire (re)vivre “DIALECTOR”, en supputant que Chris Marker y avait dès 1988 planté les graines de ses projets multimédias à venir, du CD-Rom “Immemory” (qu’on peut retrouver sur le site “Gorgomancy”, que vient d’achever à partir des demandes de Chris le centre Pompidou) à “Level Five” en passant par ses pérégrinations sur Youtube et les mondes virtuels.

Le 7 décembre au centre Pompidou, Agnès de Cayeux, Loz et Annick Rivoire activeront “DIALECTOR” en mode “live”, en vis-à-vis de l’“Ouvroir”, le musée imaginaire conçu par Max Moswitzer pour Chris Marker dans les mondes virtuels (Second Life à l’époque de sa création, OpenSims aujourd’hui). Une façon de confronter l’imaginaire de Chris Marker pré-Internet aux mondes 3D où il aimait passer ces dernières années, s’enthousiasmant des progrès 3D de Guillaume ou des dernières créations des internautes (les loups sous la mer, le bar de la Jetée à Tokyo recréé en 3D à l’identique à côté de l’“Ouvroir”…).

En attendant ce virtuel d’hier et de demain habité par Chris Marker, Arte Creative diffuse une série des vidéos conçues à partir de “DIALECTOR”, “Dialector en conversation(s)” depuis ce matin (ainsi que tout un tas de ressources sur Chris Marker).

Pour la mise en bouche, voyez Agnès Varda, dont on connaît l’attachement ancien à Chris Marker, qui réagit à sa confrontation à DIALECTOR :

Sa mort nous avait laissé inconsolables et pas gais. Poptronics reprend du poil (orange) de la bête avec cet automne markérien en diable. Et pour raconter la “Planète Marker” depuis les avant-postes numériques, nous serons le 19 novembre sur le plateau média de la Gaîté lyrique pour une carte blanche à Poptronics intitulée “Chris Marker, identification d’un geek”.

Où nous défendrons l’idée pas si saugrenue que Chris Marker est le premier artiste codeur, précurseur des jeux vidéo, des mondes virtuels et de l’arborescence. Mais que jamais cette attirance pour les machines et la technique ne l’a empêché, bien au contraire, d’être l’artiste engagé dans le monde, loin des caricatures de geek à la culture LOL. Un grand inventeur et observateur aiguisé qui a dessiné, aimé tout en la critiquant, notre société en réseaux. Un témoin essentiel, un immense passeur, un très grand monsieur.

Quelques repères autour de la Planète Marker

Le guide de la manifestation “Planète Marker” en PDF :

PDF - 6 Mo

Le dossier Marker sur Arte Creative

Chris Marker et Poptronics :

- Le pop’lab de Guillaume-en-Egypte, numéro 11’, octobre 2009, « guillaume-en-égypte au brésil/da brasil »

- Le répertoire des collages d’actu de Guillaume-en-Egypte (à venir, une section entière sur le site qui facilitera la recherche…)

- Photos et textes de Chris Marker :

A propos du clip « Stress », par Chris Marker, le 11 juin 2008

Le 1er Mai vu par Chris Marker : le fond de l’air est grave, le 6 mai 2009

L’épitaphe pour Steve Jobs de Chris Marker : “sans lui, IMMEMORY n’existerait pas, ni tout ce que j’ai fait depuis les années 80.”, le 7 octobre 2011.

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< 1 > commentaire
écrit le < 13'11'13 > par < annick.rivoire oCo poptronics.fr >

Arte Radio a également contribué, nous signale Sylvain Gire, son fondateur. Or donc, allez jeter une oreille à leurs pastilles toujours aussi pertinentes, il y en a trois :

Jean Négroni raconte le tournage de « La jetée »

En 1962, Chris Marker réalise ’’La jetée’’, devenu un film culte. Une fable de science-fiction presque entièrement en images fixes, rythmée par la voix de Jean Négroni.

41 ans plus tard, le comédien se souvient de ce tournage particulier. Jean Négroni est décédé le 28 mai 2005.

http://www.arteradio.com/son/245/marker___negroni/

Souvenir de « La Jetée »

’’La Jetée’’ (1962), court-métrage culte de Chris Marker, a inspiré entre autres ’’L’armée des 12 singes’’ de Terry Gilliam. Voici un jeu avec le film et sa mémoire, une création sonore interprétée 41 ans plus tard par le comédien originel, Jean Négroni, décédé le 28 mai 2005. Textes de Chris Marker (’’La Jetée’’) et Georges Perec (’’Je me souviens’’).

http://www.arteradio.com/son/254/souvenir_de_la_jetee/

Voyage au cœur des groupes Medvedkine

En 1967, Chris Marker filme les ouvriers en grève de Besançon. Certains d’entre eux, encouragés par Marker et d’autres cinéastes, se mettent à réaliser leurs propres films. Frédérique Pressmann a recueilli des témoignages inédits sur cette aventure exceptionnelle.

Ce documentaire a obtenu le Prix Phonurgia de la création radiophonique, Arles 2003.

http://www.arteradio.com/son/243/groupes_medvedkine/

Et j’ajoute ce commentaire de Sylvain Gire : "Vive les chats, vive la radio"