« Ultima, musée pop du jeu vidéo », une exposition orchestrée par Pierre Giner avec la complicité de Poptronics et du studio graphique Trafik, du 3 juillet au 20 septembre 2015 au lieu unique à Nantes.
« Ultima », exposition signée Pierre Giner au lieu unique à Nantes, avec Poptronics côté contenus éditoriaux. © Martin Argyroglo
Ultima, Musée pop du jeu vidéo. le lieu unique, Cnam, 2015.
< 10'07'15 >
« Ultima », l’expo plein jeux à Nantes
Poptronics est plutôt très fier de participer à l’aventure d’« Ultima, musée pop du jeu vidéo », troisième et ultime volet des expositions orchestrées par l’artiste Pierre Giner sur le monde et la culture du jeu vidéo. Après Paris (« Museogames », 2010) et Tourcoing (« Play Again », 2013), voici Nantes et le lieu unique tout cet été.
Et parce que Poptronics est en charge de tous les contenus éditoriaux, que l’expo a ouvert la semaine dernière en fanfare, et que nous étions un peu cuits pour assurer le service après vente, nous avons décidé de vous parler des coulisses du montage. Il faut dire que cette exposition-installation, à voir jusqu’au 20 septembre à Nantes, rebat les cartes du jeu vidéo. Avec un dispositif spectaculaire inédit : un mur où s’affichent une chronologie dynamique, des interviews, un texte de cadrage et un fil d’info fait face à un ciel de douze immenses écrans (4 m x 3 m) où s’enchaînent des vidéos et les parties en cours. Car à « Ultima », on joue pour de vrai, en direct, tout en découvrant un angle de cette vaste culture, du futur au genre, de la politique à la mort, de l’avatar à l’économie, de la guerre aux publics.
Avec Pierre Giner, tout est toujours simple. Au début… Contacté par le lieu unique, qui voulait reprendre l’exposition « Play Again », il se proposait de la reformater avec cette promesse : « Pas de nouveaux contenus. » L’essentiel du travail devait consister à sélectionner les jeux jouables et à retravailler les interviews de spécialistes que nous avions déjà en boîte (Hideo Kojima, David Cage, Peter Molyneux, Mathieu Triclot…). Neuf mois plus tard, « Ultima » ressemble à tout, sauf à une reprise ! Et les nombreuses nuits blanches nécessaires à son accouchement correspondent à autant de textes et vidéos nés spécialement pour elle. « Ultima, musée pop du jeu vidéo », le teaser (avec l’équipe passée au crible de la fantaisie de Pierre Giner) (2015) : Des jeux jouables donc, mais lesquels ? En mars, un premier listing compte près de 250 références… Mais comment les organiser ? Très vite émerge l’idée d’un traitement thématique : bâtir une séquence avec les jeux pionniers, en consacrer une autre à la violence, une autre encore aux simulations, aux avatars, au lien avec la fiction, etc. à force de brainstorming, nous finissons par resserrer le sujet sur onze thématiques : guerre et non violence, simulations et avatar fusionnent dans vies, la mort apparaît, la culture pop aussi.
Pendant ce temps-là, à Lyon, sous la houlette de Pierre Rodière, les équipes de Trafik, Pierre Tesson en tête, travaillent l’habillage graphique d’« Ultima ». Pierre Giner réfléchit aux assises en lien avec le lieu unique, tandis que Joël Rodière se lance dans l’écriture du code qui nous permettra de diffuser ces parties jouées live sur nos écrans géants (une sorte d’immense platine de VJing). Une tâche dantesque, les demandes de Pierre Giner comme les nôtres le contraindront à coder jusqu’à l’ouverture. En plus d’être efficace, Joël est un développeur patient et compréhensif… « Ultima », réal. Trafik :
Le listing des jeux à jouer est arrêté début juin. Il y en aura… 88 au total – huit pour chacune des onze thématiques ! Nous commençons à mesurer l’ampleur de la tâche. Damien Bourniquel, artiste glitch, vidéaste et testeur de jeu à ses heures, part en quête de versions émulées qui fonctionneront sur des ordinateurs dédiés au sein de l’exposition. En parallèle, à Poptronics, nous amassons depuis deux mois quantité d’informations grandes et petites sur le jeu vidéo, son poids économique (le marché mondial pèse 65 milliards de dollars en 2014), le nombre de Sims morts de rire (3000 quand même) ou le record pour finir Super Mario Bros. (Blubbler a terminé le jeu en 4 minutes 57 secondes et 69 centièmes). Au total, ce sont près de 200 brèves d’information actuelles, économiques, politiques, insolites ou historiques qui viennent enrichir l’exposition. Bientôt, nous travaillons sur des tableurs partagés bâtis par notre développeur que nous remplissons consciencieusement ligne à ligne. Pierre Giner, lui, a fini sa scénographie qu’il se fait une joie de nous montrer en 3D. Le ciel de douze écrans est là, le mur dynamique d’info et la collection de consoles aussi (les mythiques comme les plus récentes), la circulation se précise, « Ultima » commence à s’incarner. Le lieu unique achète ordinateurs et vidéoprojecteurs. Le chercheur Nicolas Nova (Near Future Laboratory) et le designer Laurent Bolli mettent à disposition leur revue des formes des contrôleurs dans l’histoire du jeu vidéo.
Illustrer un phénomène Tout le monde se prend au jeu de cette réincarnation de « Play Again ». En témoigne le temps infini que nous allons passer à créer des playlists vidéo pour les quatre écrans qui ne seront pas joués. Un aperçu de l’exposition Ultima (Poptronics, 2015) : Au départ, l’idée était de choisir quatre ingames, ces parties commentées par des youtubers, mais bien vite là encore, nous allons dépasser les bornes. Comment résumer les vies dans le jeu vidéo en quatre contenus d’un quart d’heure ? Que mettre en avant ? « La galerie des héros », Pierre Giner (2015), une des vidéos de la théma « vies » créée pour « Ultima » : Appelé à la rescousse, Mathias Cena, notre spécialiste jeu installé au Japon, sèche comme nous. Nous voilà donc partis pour une sélection plus large et éditorialisée. A l’arrivée, pas moins de 225 vidéos sont diffusées dans l’exposition ! Des trailers et des ingames bien sûr, mais aussi des vidéos d’artistes, des machinimas, des archives que nous passons de longues heures à trouver dans l’océan des contenus vidéo online. Les allers-retours avec Trafik sont permanents, Chloé et Sophie téléchargent et coupent en boucle. A Paris, nous rédigeons des cartels à la pelle ! Enfin, vient le moment où nous nous retrouvons sur place, à Nantes. La collection de consoles de Pierre Giner est arrivée (sans casse !) avant nous. Patrick Gyger, le directeur du lieu unique, ne laisse pas transparaître son inquiétude. Nous sommes en retard…
Le montage s’avère un véritable casse-tête : beaucoup de jeux émulés sont capricieux, n’aiment pas trop qu’on les relance en pleine partie, buguent au troisième reboot. Nous voilà donc repartis pour en trouver de nouveaux. Les équipes du lieu unique installent méthodiquement assises, écrans, cimaises, éclairages, vidéoprojecteurs. Pierre Giner décide de tout, hésite peu, joue les facilitateurs. Philippe Wojtowiz, en incroyable sorcier du son, parvient à faire que l’ensemble ne tourne pas à la cacophonie : sous chaque écran, le son est limpide et joue avec notre capacité humaine à isoler un son dans l’espace. Damien Bourniquel démine le terrain des jeux jouables, testant des émulateurs en russe ou en allemand pour trouver les plus stables. Et trouve même le temps de reformater les interviews des expositions précédentes. Nathalie Vu Hong met en place les vieilles consoles et les boîtes de jeu qui leur correspondent. Dans l’exposition « Ultima » au lieu unique (Poptronics, 2015) : Ce montage est épique, difficile, éprouvant. Entre Paris, Lyon et Nantes, les problèmes sont réglés en direct, au plus près. Nous sommes récompensé dès l’ouverture : le dispositif est en place et le public le comprend instantanément. Des visiteurs s’assoient et jouent, d’autres s’installent devant les vidéos ou lisent patiemment nos textes. Avec ses allures de salle d’arcade modernisée, « Ultima » ne désemplit pas et fait son office de médiation : on y joue, on y parle du jeu, on y réfléchit au jeu. Restent encore quelques réglages et une maintenance ardue (un ordinateur nous a déjà lâchés !). En tout cas, jusqu’au 20 septembre, Nantes est au cœur du jeu.
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