« Tous les midis, je vois un grand mec perché sur son Segway avec un imper noir. On dirait Dark Vador qui a oublié son casque ! » Comme cet internaute du Marais, vous avez peut-être déjà croisé le Segway TP (Transporteur Personnel), version électrique et moderne de la trottinette, imaginée en 2002 par un milliardaire américain, Dean Kamen, et lancé sur le marché français en 2006. Solution moderne contre la pollution et alternative à l’utilisation de l’automobile dans les centres-villes, le petit bolide motorisé devait révolutionner le monde du transport. Mais à 7 000 euros à l’achat, le Segway fait pâlir les écolos les plus aguerris : « Nous n’avons pas pu baisser le prix autant que nous le souhaitions, justifie François Coenen, président de Segway France. Aussi étrange que cela paraisse, on a souvent des personnes qui ne savent pas à quoi ça sert. C’est une telle rupture technologique que tout le monde doit s’habituer et faire confiance à la machine. » Pour démocratiser la machine, les agences de Segway, après avoir investi les domaines de la sécurité, de l’encadrement et de la logistique, se tournent vers le tourisme et proposent désormais 200 balades à travers le monde.

Poptronics est donc allé tâter du tourisme à roulettes à Versailles, où l’expérience dure depuis six mois dans la ville et depuis trois semaines dans la partie gratuite du parc du château. Tôt le matin, le rendez-vous est pris à la Flotille pour tester la machine. Sur place, les membres de Versailles Events tentent d’appâter le chaland, malgré le stand désuet et l’emplacement un tantinet retiré. Après quelques explications, il faut moins d’une minute pour apprivoiser la trottinette géante. Son fonctionnement intuitif est d’une simplicité enfantine : il suffit de se pencher en avant pour avancer, sur le côté pour tourner et de ramener les bras en arrière pour freiner. Après cinq minutes d’échauffement, la balade commence avec un accompagnateur, au départ du Grand Canal. On découvre le parc (Trianon, hameau de la reine, bassin de Neptune, bassin d’Apollon) et apprécie déjà le côté ludique et reposant de l’engin. A notre passage, les touristes se retournent, intrigués. On zigzague avec facilité entre piétons, poussettes, vélos. Le Segway a un fort avantage : son freinage est instantané, idéal en cas de panique. Il roule à 16km/h nous dit-on, et la batterie a une autonomie d’une trentaine de kilomètres. Une fois familiarisé avec la machine, on pousse un peu pour voir ce qu’elle a dans le ventre. Pas très rapide certes (l’appareil est bridé), mais suffisant pour apprécier le paysage. La fin du parcours se complique un poil : jusque-là tout plat, le terrain laisse la place aux pavés et aux trottoirs. On négocie les obstacles, un peu secoué. A l’arrivée, on est séduit, malgré quelques imperfections techniques (à l’arrêt, l’appareil avance tout seul…).

Dès midi, le stand est pris d’assaut par des touristes curieux. Les questions affluent. Ils trouvent l’engin ludique, aimeraient bien l’essayer, mais à 69 euros les deux heures, ils jettent l’éponge : « A quatre, mieux vaut s’acheter un vélo », lâche l’un. « Ça aurait été deux fois moins cher, ça aurait été avec plaisir », répond un autre. Les plus tenaces choisiront la formule de dix minutes pour 10 euros, histoire de s’en faire une idée.

40 000 à 50 000 Segway sont actuellement recensés dans le monde. En France, sur les 600 engins en circulation, un quart seulement appartiennent à des particuliers. Le Segway ne fait pas encore l’unanimité, comme le souligne cet internaute frustré : « Look m’as-tu-vu, poids inconsidéré, et prix exorbitant. Voici les trois raisons pour lesquels je ne craquerai pas sur un segway. Mais quel plaisir à utiliser, quelle maniabilité. » Le Seglib’ n’est pas pour tout de suite.

valérie nescop