« Avancer masqués », compagnie Communauté inavouable, les 1er et 2/04 à 20h30, le 3/04 à 21h, Gare Au Théâtre, 13, rue Pierre Sémard, 94 400 Vitry-Sur-Seine, RER C (trains ROMI et MONA, arrêt Vitry-Sur-Seine). Réservation : 01.55.53.22.22 (6€ à 9€). Dans le cadre du festival Off Limits, jusqu’au 12/04, à Mains d’Œuvres et salle Cipriani à Saint-Ouen, au château de la Roche-Guyon, à l’espace Khiasma (les Lilas), Gare au théâtre (Vitry), au Point Ephémère (Paris).
La « Communauté inavouable » joue « Avancer masqués », 3 auteurs, 4 interprètes, 1 musicien. © Estelle Fridlender
< 01'04'08 >
« Avancer masqués », déjouer le théâtre

Ça décontenance, ça dérange et ça fait rire en même temps. Expérimentale en diable, la « Communauté inavouable » de Clyde Chabot propose un espace temps où théâtre et scène sont à la fois mis à mal et célébrés. Monté au Point Ephémère sur le lieu de travail de la compagnie, « Avancer masqués » porte bien son nom. Il faut en effet se départir de bien des habitudes du spectateur assis, face à la scène, dans le noir rassurant de la salle. Clyde Chabot aime à l’évidence imaginer des situations instables, qui mettent en cause les règles du théâtre.

De scène donc, il n’y a point, les spectateurs sont invités à bouger au milieu d’un non-décor, quelques chaises éparses, un ou deux masques d’animaux ou de clowns par-ci par-là, de grands élastiques qui pendent du plafond, un micro et des feuilles A4 posés par terre. Les acteurs non plus ne sont pas repérables, sauf quand ils prennent la parole. Les textes justement, sont aussi une matière mouvante, un medley de trois textes d’auteurs contemporains, « Tentative d’autoportrait » de Frédéric Ferrer, « Ldé » d’Alain Béhar et « Ecrire liquide » de Jean-Paul Quéinnec, écrits pour la revue « Théâtre/Public » (publiée par le théâtre de Genevilliers).

Dits par les quatre comédiens en quinconce, superposition, alternance, les mots enchaînent une non-narration. Quand l’un parle du plateau du Vercors (Ferrer), le deuxième intellectualise : « Quelque chose a basculé depuis un moment déjà, la représentation est passée “de l’autre côté”. C’est pour ainsi dire l’art qui regarde ce (ceux) qui représente et mesure la représentation, l’universalité enfouie dans son “devenir minoritaire” » (Alain Béhar). Et le troisième soliloque : « Au moment de la chute, aller vers du jeu liquide produire une forme informe à la fois équivoque et incarnée qui reconnaît sa faillibilité pour mieux se faire suivre mieux se faire accompagner par celui qui assiste à ce geste perdu (…) » (Quéinnec). Impeccables, les comédiens Mélina Bomal, Marie-Laure Crochant, Xavier Guerlin et Anne-Sophie Juvénal, passent du coq à l’âne, s’approchent des spectateurs, les poussent à agir (réagir ?), afin d’« explorer les conditions d’une communauté artistique incluant interprètes et spectateurs ».

Les spectateurs commencent par regarder sans moufter, puis s’enhardissent pour aller boire cet apéro trois fois annoncé, tirer sur les élastiques ou approcher Vincent Rioux, musicien et docteur en acoustique, qui joue lui aussi en direct sa partition. Des aléas du dispositif émerge enfin la communauté annoncée (« inavouable » comme le nom de la troupe créée par Clyde Chabot en 1992 ?) : complicité ravie avec les comédiens, inquiétude partagée pour cette actrice qui sort littéralement du Point Ephémère pour crier son texte des bords du canal (et peut-être, à Gare au théâtre, le criera-t-elle des voies désaffectées de chemin de fer ?), ambiance quasi-familiale de soirée diapo pour regarder ensemble les images prises durant la représentation.

« Elle se joue de vous, de moi, de nous et chacun s’y trouve. Drôle d’expérience ! », commente Mustapha Aouar, le bouillant directeur de Gare au théâtre à Vitry-sur-Seine, qui accueille la performance pendant trois jours. Mais Clyde Chabot va encore plus loin : « Avancer masqués » est le projet phare d’Off limits, une « programmation scénique expérimentale » qui propose de revisiter le rapport du spectateur à l’œuvre (« Public en jeu II »).

annick rivoire 

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