"Cinq disques" (1989), Christophe Jacquet, l’une des images "fantôme" du pop’lab n°13, conçu par notre designer graphique autour de son exposition au Musée des arts décoratifs (21/05-9/11). © DR
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Chérie (ecphrasis), un pop’lab manifeste de Christophe Jacquet
L’occasion était trop belle, et le processus de proposition de pop’lab à notre directeur artistique déjà enclenché. Christophe Jacquet expose au Musée des arts décoratifs, à Paris, à partir de ce 21 mai et jusqu’au 9 novembre 2014, avec sept autres graphistes contemporains, dans « Recto/Verso, 8 pièces graphiques ». La sienne s’intitule « Chérie », des séries d’images composant un manifeste pour un art graphique qui n’ait pas à rougir de la comparaison avec l’art contemporain. L’occasion (l’exposition) a nourri la proposition faite à l’artiste (la carte blanche) d’investir la treizième occurrence du magazine en PDF de Poptronics, au format hybride papier-écran, espace d’expérimentation pour une transversalité des artistes et des supports.
« Chérie », l’espace dévolu à Christophe Jacquet au Musée des arts décoratifs, montre des images, rien que des images (sur dibond, sur plateau, sur écran…). Le pop’lab montre le recto de l’image, son inscription en creux, sa légende, son élément d’accompagnement pratique, sa fonction de médiation, son « ecphrasis ». Le terme n’est pas des plus fréquents dans le langage courant, alors on vous en donne la définition : « la description (littéraire) d’une œuvre d’art ».
Le pop’lab « Chérie (ecphrasis) » est ainsi un prolongement, un complément à l’exposition, façon double miroir inversé : ici, pas d’images mais leur trace, leur souvenir, leur lecture aussi. Sur fond de trame démultipliée, le cadre des images contient du texte, au format homothétique des pièces présentées dans l’exposition, édité par Matthieu Recarte à partir de rencontres avec Christophe Jacquet. Le DA de Poptronics a tenu à la médiation d’un journaliste (notre réd’chef), cette fonction étant partagée entre graphistes et journalistes.
« Chérie (ecphrasis) » revendique aussi la liberté des images, leur puissance encore active à l’ère du flux permanent. Apaisé et pourtant toujours percutant, le design graphique du directeur artistique de Poptronics lutte pied à pied contre l’effet d’une certaine persistance rétinienne des images, qui nous rendrait aveugles, indifférents. Chez lui au contraire, chaque signe, chaque typographie, chaque visuel porte un message, pas toujours très tendre pour nos contemporains, qui va parfois jusqu’à heurter, frapper les esprits. Des « chéries » tirées de l’imagerie porno sont réduites à l’état de trames, sortes de squelettes numériques évidés, des poulpes et des poissons « cuits à la chaleur du scan » sont transformés en monstres ou hybrides digitaux, d’immenses à-plats noirs font des « faire-part à l’image » et des plateaux de cantine gueulent en écriture filaire un « j’ai faim » explicite.
Ce pop’lab est exceptionnel aussi, puisqu’il sort de son seul format PDF : imprimé à 400 exemplaires, il est présenté aux Arts décoratifs tandis que ses 4 pages centrales, tirées à 1000 exemplaires, servent de feuille de salle, reprenant l’architecture et la scénographie de « Chérie ». Sous les descriptions plus ou moins techniques, froides, à distance, se cachent donc les images de l’exposition et celles qui l’ont « générée ».
A quoi pense un graphiste à l’heure de l’exposition ? Christophe Jacquet propose un jeu, pas forcément ludique, un dispositif pour entrer dans son univers d’artiste. D’un côté la puissance des images, du visuel, des cimaises impressionnantes, des éclairages calibrés, de l’autre le poids des mots, l’ossature et la structure de l’information, le signe réduit à sa plus simple (vraiment ?) expression. Avec l’hybridation des supports, toujours en ligne de mire (c’est sous sa direction artistique que Poptronics a notamment réalisé des magazines-affiches pour le festival de l’Ososphère ou pour Chris Marker).
Et puisqu’il faut conjurer le sort, quand toujours, on « se cogne aux images », il est heureux que ce pop’lab numéro 13 soit dévolu à Christophe Jacquet.
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annick rivoire
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