Au bilan poptronics de l’année vidéoludique, quelques très bons jeux, beaucoup de cartons, une poignée d’innovations matérielle et dans le gameplay qui dessinent quelques tendances pour 2009.
Dans "Spore", l’éditeur de créatures permet toutes les excentricités... version 2.0 : vos créations seront ensuite injectées dans les parties des autres joueurs. © DR
< 23'12'08 >
Rien ne va plus, les jeux 2008 sont faits

Sur un marché du jeu vidéo dominé par les séries à succès, Noël est rarement synonyme d’innovation. Pourtant, cette fin d’année l’est, inédite. Les éditeurs, Microsoft et Take Two en tête, s’attendent à être frappés comme tout le monde par la crise en 2009, alors même que le marché ne cesse de progresser : +24% en France au troisième trimestre et une étude selon laquelle plus d’un Américain sur deux serait un gamer. Chaque semaine apporte néanmoins son lot d’annonces de licenciements massifs, chez Electronic Arts, Sony et consorts. Avant de supputer sur les effets de cette situation sur la créativité des développeurs, retour sur les vrais bons jeux de l’année. Pas les jeux simplement efficaces qui accommodent (certes avec brio) des recettes garanties sans risques, mais ceux qui sortent des sentiers battus pour explorer d’autres voies : gameplay novateur, accessoire incontournable, libertés données au joueur ou même invention d’un nouveau genre, les pistes pour 2009.

Boom, fait le jeu pour téléphone

La plus grande nouveauté de ces derniers mois est sans doute la relative popularisation des téléphones à écran tactile, ce qui signifie pour les jeux un marché potentiel immense, même si ces mobiles dernier cri équipent encore une proportion assez faible de la population. De plus en plus de ces modèles disposent d’un « accéléréromètre » qui, sur le même principe que la télécommande Wiimote de Nintendo, détecte l’inclinaison de l’appareil. L’iPhone d’Apple, le plus médiatisé, dispose en plus d’un écran multi-touches, qui permet d’appuyer à plusieurs endroits à la fois. Les possibilités ludiques sont donc multiples, par exemple conduire une voiture en tenant le téléphone comme un volant dans « Fast and Furious Pink Slip » (4,99€). Un certain nombre de jeux de qualité sont déjà sortis, principalement pour l’iPhone, comme « Rolando » (7,99€), où l’on fait rouler des personnages à travers un niveau en penchant l’appareil et en dessinant des ponts avec le doigt, ou le jeu de stratégie « Fieldrunners » (3,99€).

« Rolando » (Ngmoco), sorti début décembre pour iPhone :



Des accessoires de moins en moins accessoires

Pour inventer de nouvelles façons de jouer, Nintendo a toujours une longueur d’avance avec la Wii et sa manette à détection de mouvements et la DS, dont l’écran tactile permet des choses jamais vues en matière de gameplay. Les ventes parlent en faveur du constructeur kyotoïte, qui a écoulé en France six millions d’exemplaires de sa console portable, même si son approche très grand public néglige toujours les hardcore gamers qui le lui reprochent. Et ce n’est pas la débauche d’accessoires commercialisés cette année (le volant de « Mario Kart », la balance de « Wii Fit » et le micro d’« Animal Crossing ») qui prouveront le contraire.

La Wiimote « basique », dont on attend toujours l’amélioration qui la rendra plus précise, permet déjà de nouvelles expériences, que ce soit dans la convivialité avec « Rayman Prod’ Présente : The Lapins Crétins Show » (Ubisoft), troisième opus de ce party-game déjanté à succès, ou dans des tâtonnements plus ou moins heureux avec « Wii Music », qui permet de jouer au chef d’orchestre dans son salon.

On n’a pas encore fini d’explorer ce que la Wiimote peut apporter au gameplay, la preuve avec « Let’s Tap », sorti le 18 décembre au Japon et qu’il faudra donc attendre quelques mois dans nos contrées. Présenté au Tokyo Game Show en octobre, ce « rhythm game » par excellence, jouable à quatre simultanément, a la particularité d’être contrôlé entièrement à la main : la manette, posée sur une surface plane, capte les tapotements du doigt, plus ou moins rapides et appuyés. Rien de révolutionnaire dans les modes de jeux (plate-forme, shoot’em up, jeu de rythme à la « Guitar Hero »…) mais cette façon inédite de contrôler l’action se révèle très efficace.

« Let’s Tap », le jeu Wii des tapoteurs compulsifs :



Côté DS, le maniement du stylet sur l’écran tactile permet toutes les fantaisies : annoter le plan d’un donjon dans « The Legend of Zelda : Phantom Hourglass », dessiner, etc. Et parmi les pelletées de nouveaux titres disponibles chaque mois sur la console portable de Nintendo, quelques trésors émergent, qui flirtent parfois avec le jeu indépendant. Témoin « Soul Bubbles » (20€), développé par le studio parisien Mekensleep, où il faut guider des esprits protégés dans une bulle.

« Soul Bubbles », sur DS :



Difficile de ne pas évoquer aussi tous les jeux musicaux, au premier rang desquels « Guitar Hero » et « Rock Band ». Des cohortes de fans se sont déjà arraché ces jeux de rythme accompagnés au choix de guitare, basse, kit de batterie et micro. Malgré un prix assez élevé, ces produits se vendent tellement bien, sans parler des chansons supplémentaires en téléchargement payant, que pourraient paraître des suites et des extensions pendant au moins dix ans selon un expert.

Divers jeux de karaoké utilisant des micros USB ont aussi vu le jour, le plus connu étant « Singstar » sur PlayStation 3, qui a largement inspiré son équivalent Xbox 360, « Lips », sorti en novembre.

C’est dans les vieux pots…

Mais la nouveauté ne passe pas nécessairement par les accessoires. Sans artifice, certains développeurs parviennent à dépoussiérer les genres, parfois en les croisant : le studio Bioware a ainsi créé la surprise fin 2007 avec « Mass Effect », qui mêlait dans un univers de science-fiction des éléments de jeu de rôle et de shooter à la première personne. Et trouvé son public, en écoulant un million d’exemplaires du jeu en trois semaines...

Sortir des voies habituelles ne signifie pourtant pas un succès assuré. Le très novateur « Mirror’s Edge » (lire également l’interview de son chef de produit), qui mêle adroitement un jeu de plate-forme et de free-running à une vue à la première personne, habituellement réservée aux jeux de tir (comme « Gears Of War » ou « Halo »), est une déception côté ventes. Mais l’éditeur Electronic Arts ne jette pas l’éponge pour autant et maintient l’idée de « Mirror’s Edge » en trilogie.

La console portable de Sony, la PSP, n’est pas en reste, avec l’ovni ludique qu’est « Patapon », où le rythme rencontre le jeu de stratégie. Dans un univers graphique très affirmé, il s’agit de créer son armée de Patapons (l’aspect gestion), puis de l’envoyer affronter les factions ennemies en appuyant en rythme sur les touches, chaque séquence rythmique correspondant à un ordre : avancer, attaquer, reculer…

« Patapon » ou le rythme de la guerre, sur PSP :



A l’occasion, le joueur devient aussi acteur et créateur dans des jeux résolument orientés « 2.0 ». C’est le cas de « Spore », le carton de la rentrée, qui serait aussi le jeu le plus piraté de l’année. Il mélange plusieurs styles de jeux et permet de donner naissance à des créatures, vaisseaux et bâtiments uniques. Le jeu « Little Big Planet », l’ambassadeur de la PlayStation 3, qui s’est pour l’instant relativement mal vendu, ajoute lui aussi une nouvelle dimension communautaire au jeu de plate-forme avec son gameplay basé sur l’entraide et surtout la possibilité de créer de toutes pièces ses niveaux. Dans les deux cas, il est évidemment possible de partager ses créations avec le monde entier.

Penser le jeu autrement

Pour certains développeurs, l’innovation est inscrite au cahier des charges. C’est le cas de F4, entreprise française de création de jeux en ligne qui emploie 150 personnes. Née il y a cinq ans, elle a pour ambition de se passer des éditeurs qui, selon Bruno Heintz, son fondateur, « étouffent la créativité ». Le premier jeu de F4, « Exalight », actuellement en bêta ouverte, est aussi un mélange des genres : c’est un jeu d’arcade et un jeu en ligne massivement multijoueur (MMO), c’est-à-dire un monde persistant organisé autour de circuits de course futuristes que les développeurs ont pensé comme « un mélange de “WipEout” et de “Mario Kart” ».

Après avoir éprouvé les critiques des joueurs sur la première version, F4 a lancé « Exalight Reloaded », qui repense le modèle habituel des « jeux gratuits » en mêlant micro-transactions et abonnement mensuel. En ne perdant jamais de vue son indépendance ou la dimension sociale des MMO, F4 entend « prendre des gameplays éprouvés et les rapprocher de problématiques susceptibles de trouver des financements et d’intéresser les gens hors du jeu », explique Bruno Heintz. Un MMO-sport baptisé « Empire Of Sports » est en développement, qui permettrait de pratiquer en ligne et en équipe sept disciplines dont le football, le basket, le ski et l’athlétisme. Dans les cartons des développeurs, un concept de wargame qui aurait pour thématique le nucléaire ou un conflit asymétrique, inspiré notamment de la guerre en Irak.

« Exalight Reloaded », l’autre modèle de distribution :

Fort heureusement pour les joueurs, malgré toutes ces créations originales, de nombreuses pistes restent à explorer, notamment dans la variété des formats. Pour Identifiction, une autre société française, c’est l’idée de jeux vidéo découpés en séquences d’une cinquantaine de minutes, sur le modèle des séries TV, qui est avancée : le premier opus devrait être lancé d’ici quelques jours, début 2009. Suite au prochain épisode…

mathias cena 

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