Bien sûr, ça fait des lustres qu’on n’écoute les Rita Mitsouko que d’une oreille, attrapant au vol quelques chansons (des reprises essentiellement, comme « Le Vent » de Brassens). Bien sûr, aperçu sur scène cet été, le groupe avait perdu de sa flamboyance et son « Variety » sorti au printemps n’est pas exactement leur meilleur disque.

Mais la mort de Fred Chichin, emporté par un « cancer fulgurant » comme on dit sur les chaînes d’info, vient rappeler combien ce groupe a été unique dans les sinistres années 80. Un titi rital venu de Clichy, surdoué des arrangements baroques, associé à Catherine Ringer, une brune incendiaire et sans tabou aucun (un soir, elle perd une dent en plein playback chez Drucker…) dont l’extrême liberté de ton (textes, arrangements, discours) a ringardisé le rock hexagonal en un album un seul, le premier, sobrement intitulé « Rita Mitsouko » en 1984.

Venus du punk (Chichin jouait dans les méconnnus Fassbinder), les deux Rita se rencontrent en 1979. D’abord baptisés Spratz, ils jouent au Rose Bonbon, au Gibus, à l’usine Pali-Kao (pas très loin des Bérurier Noir), reprenant Bowie et le Velvet, vêtus d’anoraks fluo et de sacs Félix Potin. Bref, à cent lieues du rock français « populaire » d’alors, les Téléphone et autres Trust. Quelques années plus tard, ils auront beau être habillés par Mugler et Gaultier, clippés par Mondino, ils n’en resteront pas moins intègres et ultra sensibles à toute récupération.

A la fin des années 80, rien ne leur résiste, mais le duo choisit de prendre du champ. La décennie 90 sera plus compliquée. Le discret Chichin ne perd pas le goût de la musique pour autant, sortant, écoutant, produisant à tour de bras (pas mal de rap). Ironie du sort, c’est de cancer que parlait « Marcia Baila », morceau monstre qui a lancé les Mitsouko. Ce cancer qui avait condamné Fred Chichin à quitter la tournée du groupe début octobre. Il en est mort ce matin, alors que Catherine Ringer et ses musiciens se préparaient pour l’Olympia (qui annonce l’annulation du concert). Il avait 53 ans.

« Marcia Baila », coup d’essai coup de maître, le tube de 1985 :

Emblématique des années 80, sans doute le sommet de la carrière des Rita Mitsouko, « C’est comme ça », extrait de « The No Comprendo » (1986). Clip signé Jean-Baptiste Mondino :

« Le Petit Train » (1989), incroyable reprise d’une chanson d’André Claveau (1952) :

« Même si », dernier single du groupe et clip du retour aux sources, réalisé par Philippe Gauthier, déjà responsable de « Marcia Baila » et « Andy » :

matthieu recarte