Extrait de la collection femme de Tomas Berzins et Victoria Feldman (Lettonie-Russie), parmi les dix stylistes sélectionnés pour l’édition 2013 du festival de mode et de photographie d’Hyères, photographié par Brea Souders, ex-lauréate du concours. © Brea Souders
< 07'06'13 >
Hyères fait-il encore la mode et la photo de demain ?
Hyères, envoyée spéciale
Il fallait être un peu gonflé pour créer dans les années 1980 un festival international de mode dans une station balnéaire endormie entre Toulon et Saint-Tropez. Dans les années 1920, les mécènes Charles et Marie-Laure de Noailles s’y étaient fait bâtir une villa d’architecte pour recevoir l’avant-garde et partager avec elle, de Cocteau à Mondrian, Buñuel et Clémenti, des heures créatives, scandaleuses et festives !
Quarante ans après le don en 1973 de la Villa Noailles à la commune, le pari de faire revivre la demeure mythique conçue par Robert Mallet-Stevens a une nouvelle fois été tenu pour la 28e édition du festival international de la mode et de la photographie. 1300 professionnels de la haute-couture et du prêt-à-porter, de la photo et de la presse s’y sont donné rendez-vous à la fin avril. Pendant trois jours, ils ont observé, palpé et jaugé les créations d’une dizaine de designers à peine sortis d’une école de mode et apprécié, médité ou se sont indignés du regard contemporain de dix photographes (élus parmi 773 dossiers reçus).
Pourquoi donc, face à un tel succès, le directeur artistique de la photographie Michel Mallard, qui, au côté de Jean-Pierre Blanc, président de la Villa et directeur de toutes ses manifestations, contribua pendant treize ans à en asseoir la renommée mondiale, fut-il limogé sans discussion ni autre sommation qu’une lettre stipulant une « insatisfaction » à l’égard de son travail ? C’est Raphaëlle Stopin, collaboratrice de son studio parisien, qui prend la suite. Une méthode pour le moins cavalière alors que ce directeur artistique à l’expérience de presse incontestable (de « L’autre Journal » à « Jalouse » en passant par « Vogue Homme International ») a très largement participé à la singularité du festival de Hyères, qui transgresse plutôt les diktats de la mode, de la photo ou des arts plastiques.
Au-delà du couac conjoncturel, un certain style s’est imposé à Hyères : des images épurées plutôt que rococo ou baroques, une forme d’élégance et d’ironie plus dada que dandy. Comme celles de l’américaine Bréa Souders, ex-lauréate sollicitée pour mettre en images les modèles de la sélection mode 2013. Cette année, les propositions photo répondaient davantage au registre de l’installation, de la mise en scène bricolée et de revendications plus manifestes que formelles : ce sont les « bombes » inoffensives du Grec Petros Efstathiadis, en référence aux émeutes dans son pays, ou bien le tableau figé des ambitions dérisoires de ses personnages ordinaires qui lui valurent le Grand prix du jury, alors que les métaphores du corps, exhibées comme s’il s’agissait d’un cabinet de curiosité extirpé du cerveau franco-suisse d’Emile Barret, retinrent l’attention du public !
Leurs clichés exposés dans les sous-sols de la villa pendant un mois côtoyaient la rétrospective Guy Bourdin ou les créations d’autres artistes aujourd’hui confirmés tels Pierre Debusschere, l’auteur de l’affiche « Hyères 2013 », vidéaste et collaborateur régulier du magazine « Dazed & Confused », ou encore Jean-François Lepage, ses découpages et ses figures de mode solitaires exposés à la Tour des Templiers. On y découvrait également les accrochages d’anciens lauréats, telle Jessica Eaton, grand prix du jury photo 2012 venue du Canada pour partager son exploration cubique de l’image cinétique, lunettes de visualisation 3D à l’appui. Ou, un peu plus convenues, les mises en scène de Charles Fréger, président du jury photo répondant à une commande d’anthropologie sportive pour Lacoste, qui fête les 80 ans du crocodile.
Tous les acteurs présents, qu’ils soient chasseurs de tête ou acheteuses pour le compte des Galeries Lafayette, étaient unanimes : Hyères est plus qu’un terrain de jeu grandeur nature, c’est un véritable tremplin pour les jeunes créateurs. Sur 355 dossiers mode reçus et 60 nationalités représentées, dix designers ont été sélectionnés en janvier. Conviés huit jours avant l’ouverture des réjouissances, ils avaient tout un staff de professionnels (mannequins, coiffeurs, photographes) à disposition pour préparer leur défilé, sous la haute vigilance de Maïda Gregory-Boina, directrice artistique mode du festival depuis 18 ans et « accessoirement » directrice de casting pour Calvin Klein et Jil Sanders !
« Hyères, c’est surtout une occasion unique de bénéficier d’une visibilité exceptionnelle et d’interlocuteurs internationaux disponibles », souligne Stéphane Pariente, fondateur des Anges de la mode. Explications au bord de la piscine, où ce business angel à la française peaufine un petit livre rouge à destination des créateurs indépendants :
Revers du succès ou frilosité du jury ? Les deux collections gagnantes, qui empochent tout de même un chèque de 15000 euros, élégantes mais sages, n’étaient guère représentatives des tendances contemporaines plus radicales : look ethnique remixé, cuir, maille et matières naturelles, pour citadin tout terrain ou activiste écolo ; le niqab en mode incognito, la jupe ou le short pour tous !
Défilé des jeunes créateurs à Hyères, nos coups de cœur :
v.godé/orevo
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