L’écrivain J.G. Ballard est mort ce dimanche 19 avril 2009. Emilie Notéris, plasticienne et écrivaine (« Cosmic Trip », 2008), a co-dirigé le recueil « J. G. Ballard hautes altitudes » (2008, éditions è®e). Elle évoque pour poptronics cet « étrange passage du corps à la revenance fantomatique ».
J.G. Ballard en 2005. L’écrivain britannique est mort dimanche 19 avril à Londres. © Catfunt
< 21'04'09 >
J.G. Ballard, The Vanishing Point (1/2)
L’écrivain J. G. Ballard est mort dimanche 19 avril dans sa maison à l’ouest de Londres, d’un cancer de la prostate. Plutôt qu’un énième hommage-nécro à la gloire du géant de la littérature d’anticipation, poptronics a sollicité Emilie Notéris, écrivaine (« Cosmic Trip », 2008) et plasticienne, qui a co-dirigé « J. G. Ballard, hautes altitudes », épatant recueil de textes critiques paru fin 2008 aux éditions è®e. J. G. Ballard est mort. Le choc se répercute en longueur d’onde terminale. Il va rejoindre le musée de cire de nos mémoires, passer du statut d’écrivain de chair à celui d’hologramme de type Hello America. L’étrange passage du corps à la revenance fantomatique, un rêve electrographique. On le retrouvera vivant dans la trame de nos fictions, dans nos manières d’appréhender le présent. Errer dans les aéroports et les centres commerciaux, circuler dans nos tours d’habitations ; il a déjà imprimé sa marque dans nos structures de vie, installé la critique en réseau parallèle. « Les dissolutions du monde wagnériennes ou spenglériennes de J.G. Ballard constituent des illustrations exemplaires de la manière dont l’imagination d’une classe agonisante (dans ce cas, le futur annulé d’une destinée coloniale ou impériale disparue) cherche à s’enivrer d’images de mort : destruction du monde par le feu, l’eau et la glace, long sommeil, orgies démentes de gratte-ciel, autoroutes retournant à la barbarie. L’œuvre de Ballard (si riche et si corrompue) constitue une preuve puissante des contradictions auxquelles s’expose toute tentative proprement représentationnelle d’appréhender directement le futur. » (Fredric Jameson, « Penser avec la science-fiction », Max Milo, 2008, Paris) Ballard a su cartographier la géographie contemporaine du désastre qu’Ian Nairn a nommée à juste titre « Subtopia » (zones périurbaines ayant échappé à toute planification territoriale) (voir « Outrage : On the Disfigurement of Town and Countryside », « Architectural Review », special 1955). Génial expérimentateur, il nous démontre avec ardeur que le genre science-fictionnel n’est pas une enclave où la langue se ceinture dans une catégorie limitative. Loin d’étouffer sous les cadres représentationnels, l’imagination se débride et offre la possibilité de penser au-delà du crédible, du politiquement correct, du prêt à penser. Les métaphores climatiques et autres catastrophes environnementales réduisent l’homme à ses caractéristiques essentielles questionnant les impacts que la société de consommation hyper industrielle engendre dans son inconscient. La courbure des buildings, les angles morts répondent à celles des corps et des esprits dans une psychogéographie immédiatement appliquée au réel. Une autopsie sans concessions. Heureusement avec la parution de « Penser avec la science-fiction » de Fredric Jameson (2005 aux Etats-Unis et 2007 en France), la science-fiction acquiert enfin de manière visible le statut de sujet d’étude littéraire. Ballard nous invite à penser le présent, une réalité augmentée, sous une forme métaphorique et dystopique, afin d’accentuer les contrastes et de souligner les reliefs. Ce qui qualifie l’humanité, c’est avant tout son incapacité à penser le présent ou à imaginer l’avenir détaché d’un passé historique falsifié. La littérature de Ballard lutte contre les effets de distorsion opérés par et sur le réel. Il désigne les brèches, les failles du système. Ballard fut et demeurera l’un des plus grands archéologues du présent de notre siècle. Pas du tout l’œuvre d’un visionnaire finalement, mais plutôt celle d’un « voyant ». L’onde sismique n’a pas fini de se répercuter.
< 1 >
commentaire
écrit le < 22'04'09 > par <
sylvain.bourmeau aDM mediapart.fr
>
intéressant papier si je peux me permettre, pour un point de vue différent sur le rapport à la SF de Ballard http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/210409/j-g-ballard-ecrivain-contemporain-1930-2009
Alain Damasio, un écrivain se prend au jeu (2/2)
William Gibson : « Le futur n’est plus nouveau » PopAntivirus#6 Échanger pour changer Feu le sorcier de la musique concrète Pierre Henry J.G. Ballard, The Vanishing Point (2/2) Nouvelles du « FUTU » |