« Seen, unseen, scene », Centre d’art Passerelle, rue Charles Berthelot, Brest (29), jusqu’au 25/04.
"Sometimes a narrative" (2005), vidéo de Michael Schultze, méditation poétique sur les relations formelles du modernisme. © Nicolas Ollier / centre d’art Passerelle, Brest
< 25'04'09 >
Jardins suspendus d’art à Passerelle

(Brest, envoyée spéciale)
Voir, ne pas voir ou faire les deux à la fois. La pluralité des modes de perception de la nature, exprimés dans des formes historiques ou populaires, voici ce qu’interrogent les six artistes de l’exposition du centre d’art Passerelle à Brest qui ferme ses portes ce samedi.

« Seen, unseen, scene ». En anglais, le jeu de mots sonne parfaitement. Car scene signifie à la fois image et tableau, tout en renvoyant à la performance. À plusieurs voix, la forme du jardin est pensée comme espace collectif et lieu de représentation : recouverts de noir et de phrases à contenu politique, les tapis persans de Discoteca Flaming Star s’affirment en tant que formes symboliques. Plus prosaïque, l’immense cage pour les oiseaux de Jean-Marc Savic côtoie le jardin de lotus de Cristina Gomez Barrio et les jardins utopiques de Florence Lazar, un tableau placé dans la nature dans les grandes projections de Mark Leiderstam ou encore la déclinaison poétique d’un lys chez Michael Schultze.

Par la confrontation de la vidéo et de la photographie, à travers l’objet ou par la déconstruction du texte, ces artistes conçoivent des environnements qui sont autant de séquences d’élaboration d’œuvres complexes et riches, entre processus visuels et performatifs. Focus sur trois d’entre eux.

Wolfgang Mayer ou la lecture poétique
Wolfgang Mayer forme avec Cristina Gomez le groupe Discoteca Flaming Star. Ensemble, ils mènent des performances et fabriquent des objets à forte valeur symbolique. Comme ces tapis persans intitulés « Alfombras » portant des inscriptions et recouverts d’une peinture acrylique noire rugueuse peu attrayante, sur lesquels il est possible de marcher, ou que l’on peut contourner. Étranges aussi, ces grands dessins noirs et violets aux motifs floraux, issus d’une série d’actions proches du rituel. À l’origine de ces grandes compositions florales proches de vanités, il y a encore des textes, « Vom Krieg » de Clausewitz ou « Le Prince » de Machiavel, qui, une fois lus puis photocopiés, sont recouverts d’une peinture noire jusqu’à ce qu’ils disparaissent, puis découpés en petites lanières et assemblés pour former des dessins. Wolfgang Mayer définit son travail comme « une forme poétique de lecture ». Car à l’issue de toutes ces actions, l’espace de l’œuvre devient la traduction de la relation physique qui existe dans la lecture.

Michael Schultze ou la poésie plastique
Michael Schultze présente des photographies et une vidéo qui s’intitule « Sometimes a narrative », sorte de méditation poétique sur la transformation des objets. Schultze examine les relations entre les formes du modernisme, qui dans sa vidéo sont rendues presque illisibles. Dans l’atelier, il met en rapport images, dessins, photographies, sculptures, travaillant sur la translation qui s’opère dans le passage d’une forme à l’autre. « J’écris beaucoup et je lis beaucoup. Je travaille comme un poète mais avec des formes et des spécifications visuelles », dit-il. Chez lui, pas de texte mais des formes déplacées, qui ont perdu leur statut d’origine, comme ces photogrammes d’une fleur de lys côtoyant des formes abstraites, disposées comme des phrases, des séquences.

Florence Lazar ou le tapis-jardin
Dans la série photographique « Repos, cité des bosquets » (2006), Florence Lazar photographie des groupes de femmes d’origine orientale qui se sont regroupées dans les jardins de Montfermeil autour d’un tapis. « Présentation », « Conservation », « Repos », trois moments de la vie de ces femmes, trois actions, rituels de partage, s’organisent autour d’un objet. Objet d’échange symbolique, le tapis opère un déplacement de l’intérieur vers l’extérieur, il est mis au dehors, au milieu des jardins. Deux formes se confrontent : celle de l’hortus conclusus, lieu clos et sacré, et le tapis, représentation utopique du jardin. Chez ces trois artistes, les dispositifs de perception s’entendent au sens large, comme image, représentation, mais aussi lieu de la conversation, de la lecture. Autant d’éléments qui modifient totalement le rapport du spectateur aux œuvres et ouvrent vers une nouvelle forme de récit, que ce soit par l’organisation séquentielle des formes ou la transformation et le déplacement d’un objet dans l’espace.

marion daniel 

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