Nicolas Frespech, net-artiste que poptronics aime (et vice-versa), revient sur un Radart (Rapid Application Development for artistic projects) très pop, le 24/03 dernier à la Cantine, à Paris. Théma : la mobilité et l’art.
« Bonjour Monsieur Courbet (ou La Rencontre) », huile sur toile (129 × 149 cm) de Gustave Courbet, ou la représentation de l’art mobile selon Nicolas Frespech. © Musée Fabre de Montpellier
< 30'03'10 >
L’art mobile, un fil à la patte commercial ?
Mercredi dernier, j’étais invité à Radart à Paris, pour parler avec David Guez, Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon de la mobilité et de l’art. Ça se passait à la Cantine, un espace ouvert aux partages d’expériences numériques, plutôt orienté économie numérique. Malo Girod de l’Ain de Digital Art International (Digitalarti) avait introduit la soirée en parlant de l’application iPhone conçue par Miguel Chevalier, artiste numérique dont le fonds d’investissement Digital Art Promotion vient d’acquérir une pièce.

Géocalis’art
David Guez présentait ensuite « 2067TELECOM », un projet lié à la géocalisation dans la lignée d’une autre de ses créations, « 2067 ». Stéphane Degoutin parlait réalité augmentée et musée du terrorisme. Il recherche des développeurs, ça sert aussi à ça Radart. Rappelons que les créations basées sur la géolocalisation optimisent une des particularités des ordiphones actuels : le GPS.

Arrive mon tour, je viens présenter une expérimentation mobile : Twitter + Twitpics. J’ai même préparé une présentation PowerPoint pour l’occasion ! J’ai intégré la reproduction de « Bonjour Monsieur Courbet » qui dit tout de la mobilité dans l’art. On y voit Gustave Courbet qui part dans la nature, son chevalet accroché comme un sac à dos. L’artiste peint ce qu’il voit à l’extérieur, il est (déjà) dans la mobilité.

Je parle de mon retour d’expérience : travailler la photo dans son rapport au temps réel, être sur place, prendre une image, la diffuser dans la foulée en utilisant un compte Twitter et un compte Twitpics, deux services gratuits très Web 2.0 qui n’ont pas été conçus comme des sites artistiques.
Le principe de Twitter + Twitpics est simple : j’envoie mon image par 3G ou wifi à Twitpics qui se charge de l’héberger et de produire un tweet sur Twitter. Sarah du magasin branché Colette ou Terry Richardson pratiquent eux aussi la photo en temps réel... pourquoi pas moi ?

Les photos envoyées-partagées viennent s’accumuler sur un tas d’images qui pullulent sur le Net : images d’actualité, de promotion marketing, d’ados heureux de faire des Ducks Faces… La durée de vie d’une image envoyée est très très courte, elle est très vite recouverte par d’autres... dans un flux continu et sans mémoire.

Peut-on faire acte d’art mobile sur ces plateformes ? Je montre un diapo où la photo est mise dans son contexte Twitter : ergonomie chargée de publicité, de tags à compléter ou de commentaires à laisser... parasitage. Je montre la même photo sur un fond blanc, et tout à coup on peut y déceler des particularités plastiques.

J’essaie de placer les mots « folksonomie » et « sérendipité » mais je n’y arrive pas. Pas assez de temps, timidité, problème d’élocution ou découragement ?

Après les présentations, chaque intervenant doit animer un petit atelier et exprimer ses attentes… J’attends rien de spécial, à part une réflexion sur la mobilité et la circulation des images dans un contexte artistique. On parle trop d’applications pour mobile -pour ne pas dire d’iPhone.

iPhonaute amateur d’art ?
Bien sûr que les artistes aiment l’iPhone, c’est un cadre précis, presque rassurant et puis, Apple bénéficie d’une image de « cool » entreprise. Et l’arrivée du tactile dans l’interface ouvre l’imaginaire pour l’ccès aux œuvres... Exemples d’applications artistiques réussies, les dessins musicaux de Mrzyk et Moriceau et les nuages de Rafaël Rozendaal, ou encore le presque classique « Jackson Pollock » par Miltos Manetas. Sauf qu’ils ne sont disponibles que sur iPhone, à l’exception des nuages de Rozendaal : l’application est issue du site web « Why was he sad » datant de 2002 (un bon recyclage !).

« Clouds », de Rafaël Rozendaal, pour iPhone :


L’avantage de ce type de plateforme, c’est qu’elle facilite le micro-paiement, les distributeurs récupérant une bonne partie de la transaction. La plupart des applications artistiques sont cependant gratuites ou accessibles à un tarif certes minimum (moins de un dollar), mais qui reste dissuasif.... Certains préfèrent encore la gratuité avec l’espoir d’être vus par le maximum de personnes.

Et si on n’a pas d’iPhone, on fait quoi ? Nokia se lance dans la distribution d’applications... et se plante : choix limité, applications d’entreprises valorisées au détriment d’applications artistiques... pas étonnant que ce soit un flop ! Google et son OS en partie ouvert Android offrira-t-il la vraie alternative ? Oui et non, c’est un acteur supplémentaire mais tout aussi politiquement correct qu’Apple. Essayez de proposer une application artistique qui parle de sexualité ou qui montre des images « équivoques »... elles ne passeront pas les critères de sélection et ne seront pas mises à disposition des mobinautes.

Et on parle encore d’art contemporain ? La spécificité de ces modèles de distribution dresse un panorama inexact de ce ce qui se fait aujourd’hui, un paysage lisse et bien pensant...

Y a-t-il des alternatives ?
La plupart des applications pour mobiles sont des raccourcis vers des sites ou vers des diaporamas interactifs. L’évolution du bon vieux HTML, le langage de programmation des pages web, vers le HTML 5, offre de multiples fonctions compatibles sur les différents systèmes d’exploitation (OS), dès lors que le navigateur du téléphone peut l’interpréter. Opéra Mini, le navigateur mobile et multiplateformes constitue ainsi une bonne alternative dans la consultation de sites créatifs. Fennec, le navigateur mobile de la Mozilla Fondation (open source, donc), n’est pas encore multiplateformes. Réaliser des applications en HTML 5 permet aussi de faire des objets interactifs, géolocalisables... Bien entendu, on peut vouloir contrôler l’interface finale de monstration d’une création (taille écran, tactile ou pas...), mais pourquoi ne pas penser différemment les œuvres mobiles ?

Principal argument pour défendre un développement indépendamment d’un OS, c’est l’accès de tous à ces créations, puisqu’il suffit de se connecter au Net pour y accéder. Avantage pour les artistes : pas la peine de débourser de l’argent pour soumettre ses créations au risque de se faire censurer.

Je me pose une autre question : si effectivement nous pouvons développer pour le plus grand nombre et dans un format non propriétaire, comment faire alors pour trouver un lieu de référence pour découvrir les œuvres ? Autrement dit, connaissez-vous beaucoup de critiques d’œuvres mobiles ?

Les artistes risquent de se retrouver face aux mêmes problèmes avec la démocratisation des tablettes et autres livres électroniques proposés par les mêmes géants de l’Internet (Apple, Google, Windows, Amazon...). Comment penser le livre d’artistes contemporain avec ces nouvelles contraintes ? Quelques réponses sont à trouver au Salon du livre mais la dématérialisation des biens culturels et la mainmise par quelques grands distributeurs fabricants nécessiterait un grand débat... sur Poptronics, toujours pas optimisé pour un accès mobile à ce propos ?

Allez pour finir, je vous invite à participer à une expérience collective sur ce même principe Twitter + Twitpics : cliquez ci-contre sur une vignette pour en savoir plus. Et puis, laissez vos commentaires, trouvailles et idées ci-dessous.
nicolas frespech 

votre email :

email du destinataire :

message :

< 1 > commentaire
écrit le < 31'03'10 > par < mister.n 6k8 laposte.net >
A propos de l’idée de recyclage on peut penser le fait d’adaptation. L’appli de « Jackson Pollock » par Miltos Manetas est une adaptation d’un site classique mais qui optimise le rapport tactile au Iphone en attendant les écrans de PC, Mac qui vont tous être tactiles (Windows 7 gère par exemple le multitouch). Je vous invite à lire cet article sur les différents supports et la presse écrite dont les artistes peuvent s’inspirer. Journalisme non-stop pour presse globale http://ecrans.fr/Journalisme-non-stop-pour-presse,9535.html