Sens dessus dessous Le monde à l’envers, exposition dans le cadre de la Dégelée Rabelais au Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon à Sète, jusqu’au 14/09, tous les jours sauf le mardi, de 12h30 à 19h, le week-end de 15h à 20h, entrée libre, 26, quai Aspirant Herber, Sète (34).
Vue de l’exposition, avec au premier plan : « La Guerre des mondes » (2008) d’Annette Messager, en arrière-plan « Elefandret » (2004) de Miquel Barcelo. © Marc Domage/Crac LR Sète
< 30'07'08 >
« Sens dessus dessous », une expo qui remue à Sète
(Sète, envoyé spécial) A contre-courant de la gigantesque campagne touristique de la « Dégelée Rabelais », le CRAC à Sète présente « Sens Dessus Dessous, le monde à l’envers ». Noëlle Tissier, la directrice du Centre d’art contemporain Languedoc-Roussillon, et le commissaire Bernard Marcadé ont osé la référence littéraire à Jonathan Swift alliée à celle de Rabelais. Pour mieux renverser la vapeur : le chasseur devient proie, la proie devient chasseur… Si l’envers devient l’endroit, et le recto se fait verso, l’exposition n’a plus alors qu’un objectif, explorer malicieusement et par de multiples voix la face cachée des « lunes et des univers artistiques »… Combas, la peinture combat Robert Combas, chantre du melting-pot des mélanges référentiels, en est la parfaite introduction : sur la même toile se croisent les figures d’une Eve et d’un Adam soumis à un embrouillaminis de formes : le symbole matriciel du ventre féminin se transforme en prison, les corps se brouillent dans un chaos de multiples figures. Le plus rabelaisien des artistes ? Du fouillis de couleurs, de motifs, de supports (la toile classique côtoie des draps) se dégage une démarche sincère. Peindre pour survivre, peindre pour fixer un temps, pour stopper ou agréger le foisonnement d’images, les flux d’idées et de livres, absorbés tous les jours. Robert Combas, ce Jérôme Bosch contemporain, renverse tour à tour les valeurs, l’iconographie, les modes culturels (pop-punk) pour mettre à mal les présupposés religieux et sociaux du monde contemporain. Avec lui, peindre ne s’exerce pas comme un métier, c’est un instrument de survie. Décaler le sens, à ce jeu-là, Fabrice Hybert est imbattable. Il le prouve encore avec « L’envers », où le ciel forme le sol, les racines de l’arbre les branches, comme une sorte d’écho à ses dessins homéopathiques. La voiture et la guillotine de vue, qui semblent tout droit sorties de ses « Prototypes d’objets en fonctionnement », les « P.O.F. », sont deux éléments presque absurdes qui questionnent à la fois la cécité du monde et les déplacements. Corps-machine, le mariage infernal Sens dessus dessous, c’est aussi la permutation du corps et de la machine, avec la « Cloaca II » de Wim Delvoye, petit fils spirituel de Marcel Broodthaers. Le dispositif scatologique est connu : on nourrit la machine, et celle-ci produit des excréments. La machine digestive s’appréhende comme une sorte de laboratoire, où chaque élément est disséqué, dissous, reformaté… A l’heure des analyses ADN et du génome, la série « Cloaca » évoque sur le mode de la dérision les outils scientifiques. Avec Wim Delvoye, l’humour n’est jamais loin, dans ses esquisses préparatoires, dans ses repas également (« Cloaca » se nourrit des repas végétariens, de menus hauts en couleurs). Le cyborg est mort ! Retour au corps oui, mais en permutant les rapports, en annonçant le déclin du mythe cyborg ! Ainsi, l’homme n’augmente plus ses capacités à l’aide des machines, c’est la machinerie qui reproduit à l’identique le mécanisme organique. L’artiste s’inscrit dans une longue lignée : des boîtes conservant des « merdes d’artistes » de Piero Manzoni dans les années 60, en passant par certaines pièces de Paul McCarthy ; les déjections, les sécrétions sous toutes leurs formes (sueurs, spermes avec Matthias Herrmann et Philippe Meste etc.) rentrent dans le champ de l’art contemporain. La merde est l’œuvre chez Wim Delvoye, elle a en soi une finalité. Dans les peintures réalisées à l’aide d’excréments d’éléphant par Chris Ofili, elle se camoufle au milieu d’autres pigments conventionnels. Le pachyderme semble à la mode, mais à la différence de l’éléphant naturalisé en équilibre sur sa trompe de Daniel Firman en ce moment au Palais de Tokyo, celui en bronze de Miquel Barcelõ, « Elefantdret », ne joue pas avec l’apesanteur. L’animal sculptural, monumental, repose sur son talon d’Achille : sa trompe… L’artiste associe le renversement (la lourdeur du bronze et celle de l’animal se métamorphosent en légèreté) au jeu d’équilibre entre la fragilité du socle et la masse corporelle. Renversement encore avec les vidéos de Jos de Gruyter et d’Harald Thys, qui proposent une nouvelle interprétation du roman de Melville. Le capitaine Achab s’incarne dans les faciès filmés en plans rapprochés qui scrutent silencieusement, non pas l’obsédante Moby Dick, mais la maquette peinte en noire d’un navire. L’installation graphique de Michel Giroud, combinant écriture, graphèmes, formes géométriques, schémas à même le mur, convie les spectateurs à une réflexion poussée sur l’interversion d’une généalogie littéraire : Charles Fourier, Fluxus,, le yi-king, la philosophie zen, Rabelais. Patience, mémoire culturelle et politique, volonté de déchiffrer les jeux de mots et les contrepèteries sont autant de qualités requises pour apréhender cette installation prolixe de sens. L’anti-rhétorique de Duyckaerts Quant à Eric Duyckaerts,, plusieurs vidéos de ses performances-conférences devant le pavillon belge de la dernière Biennale de Venise, brisent les conventions et les argumentations logiques. Partant d’une définition d’un mot, d’un concept, il « analyse », opère des associations d’idées, en passant d’une langue à une autre puis à une autre. Discours trilingue complexe qui parodie et pointe les aléas de la rhétorique avec un sens de l’humour et du jeu de mots toujours aussi aiguisé. La Terre est un ballon en décomposition Glen Baxter et Annette Messager se réunissent autour de la pratique artistique comme transposition. Le premier est un dessinateur qui joue de l’absurde et conçoit des livres d’artistes, dont la plupart qui sont présentés sont inédits en France. Il reprend à son compte les « pieces of nonsense » des poètes et caricaturistes britanniques pour des clin-d’œils ironiques et acerbes sur l’art. La deuxième poursuit sa série des « Mettre aux mondes » (2006) en proposant « La Guerre des mondes » où deux terres dessinées sur des ballons gonflables de grands formats, agrémentés de lambeaux de plastiques, esquissent un étrange ballet aérien. Les ventilateurs placés au sol alimentent les péripéties de ces mondes. Les entrechoquements produisent d’étrange sons, les dépressions soudaines entraînent une chute des ballons, le tout ne cesse de rappeler aux spectateurs l’état de lente décrépitude de la planète Terre.
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