Rencontre avec Thierry Danet, organisateur du festival des Nuits de l’Ososphère, les 28 et 29 septembre à Strasbourg.
Le Delta, la grande salle de la Laiterie, quelques heures avant le lancement des festivités. © bylepeut.com/blog collectif de Lepeut Père et fils™
< 28'09'07 >
« Le principe de l’Ososphère : réagir en permanence »

(Strasbourg, envoyé spécial)

L’Ososphère est sortie de terre en quelques jours, espace éphémère dédié aux cultures électroniques, entre la voie ferrée et le talus de l’autoroute. Cette année encore, pour sa dixième édition, le festival investit le quartier de la Laiterie, transformé en bulle de création avec pas moins de six dancefloors (et une soixantaine de formations invitées) et une trentaine d’artistes « numériques ». Une mutation qui est au cœur du projet d’Artefact, l’association aux commandes de l’Osophère, depuis ses débuts en 1998. Comme le dit Thierry Danet, responsable de l’organisation : « Nous voulions faire exister les codes de la culture pop dans la ville. » Installations, ambiances sonores : ouvert aux expressions artistiques, ce quartier de transit devient un espace sensoriel de déambulation, en rupture avec la ville et pourtant totalement intégré à elle.

10 000 personnes sont attendues pendant ces Nuits électroniques de l’Ososphère 2007, qui présentent un plateau des plus exhaustifs de ce qui se fait en matière de musiques électroniques. Pionnier dans l’intégration des arts numériques à un festival de musique, le rendez-vous strasbourgeois a vu sa formule se populariser en dix ans (Seconde Nature à Aix, le NAME à Lille ou encore Emergences à Paris), mais demeure le plus hybridé de tous. Ouvert sur toutes les musiques (le rock n’est pas oublié, la pop et la noise non plus), il a accompagné les transformations du genre, des live machines secs au retour des musiciens, des discrètes projections vidéo sur scène aux installations les plus spectaculaires. On vient à l’Ososphère pour danser et écouter de la musique bien sûr, mais aussi pour se laisser prendre par une installation, se faire surprendre par un des parcours implicites qui se dessinent, par les ponts dressés entre arts plastiques et musique. Ici, le spectateur se doit d’être actif, fait des choix, des paris, expérimente l’évolution des espaces et des sons la nuit avançant.

Avec un budget avoisinant 600 000 euros (70 % de recettes propres et 30 % de subventions), la manifestation cherche des financements supplémentaires pour se développer, notamment pour exposer les œuvres au-delà d’un week-end. La Laiterie souhaite également développer une plate-forme de création et de production, dans les arts numériques mais pas seulement. Plusieurs résidences d’artistes ont déjà eu lieu depuis le printemps : Lydwine Van der Hulst pour Audiofil, le groupe Dunes venu travailler avec les gens du quartier, et le workshop de « WJ’s » d’Anne Roquigny. De même, les collaborations se précisent. Le festival d’art sonore Citysonics à Mons (Belgique) et l’Ososphère présentent la même œuvre de Christian Vialard qui a dû intégrer dès sa création les contraintes de deux contextes d’expositions différents. Autre piste, faire sortir la créativité qui s’exprime sur Internet dans l’espace physique d’une exposition. Bref, ça phosphore toujours fort du côté de Strasbourg. Thierry Danet, responsable de l’organisation de l’Osophère, revient pour Poptronics sur la genèse de l’Ososphère.


Comment sont nées les Nuits de l’Ososphère ?

La création de la Laiterie en 1994 répondait à une vraie attente. Mais les publics venus du mouvement techno nous disaient qu’ils n’avaient rien à foutre d’une salle rock ! Nous avons essayé d’imaginer des dispositifs qui répondaient à cette interpellation avec les soirées Ohm Sweet Ohm. Entre nous, nous les appelions OSO, d’où Osophère : créons un espace-temps dans lequel on dialogue avec ces expressions-là. Le projet de l’Ososphère, c’était de discuter de notre environnement urbain pour faire exister des codes de la culture pop, présents dans la cité uniquement dans les espaces commerciaux. Ces cultures, qui n’avaient aucune existence à Strasbourg, ont explosé avec la Laiterie. Nous avons intégré tout ce qui commençait à se matérialiser autour de la musique électro, à commencer par les projections vidéo sur scène. Il y a eu l’époque live machines, puis le retour des musiciens. D’autres formes se sont développées. Nous essayons de réagir en permanence. Nous avons investi ce champ des arts numériques depuis cinq ans, parce que nous avons bien vu, qu’aux côtés des musiciens, il y avait une communauté d’artistes, de plasticiens, de vidéastes. Nous avons fait le pari que des gens qui viennent passer une super soirée auront la curiosité, l’attention, la disponibilité pour se perdre, se laisser aller à l’émotion. C’est toute l’aventure de l’Ososphère.

Pourquoi cette volonté d’occuper tout le quartier ?

L’idée, c’était d’habiter cet espace urbain assez génial qu’est le site de la Laiterie, à dix minutes de la place Kléber, dans la ville tout en étant à l’extérieur. C’est une zone de faubourgs, derrière la gare. Personne n’y mettait jamais les pieds avant l’installation de la Laiterie et, du jour au lendemain, 130 000 personnes y viennent chaque année. En vivant ici jour et nuit, nous avons développé un rapport très intense à cette étrange ancienne friche industrielle, sans murs d’enceinte, avec des bâtiments de part et d’autre de la rue du Howald, au-milieu des habitations. C’est devenu un espace assez étonnant, avec son architecture début XXe, ses immeubles moyen bourgeois aujourd’hui habités par des populations de niveau social bien inférieur. C’est un patchwork avec un fort tissu associatif, un quartier de transit aussi. Le musée d’art moderne est à deux pas : c’est devenu un pôle de culture contemporaine, de défrichage. Nous avons voulu construire une zone éphémère dans ce quartier.

matthieu recarte 

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