Interview des organisateurs du festival Sonic Protest Arnaud Rivière et Franq de Quengo, dédié aux musiques libres et tordues. Du 8/12 au 14/12 aux Instants chavirés, au Centre culturel suédois, au Point Ephémère, au Trabendo, à la Maroquinerie, au 104, à la Maison des Métallos... Détail de la programmation sur le site du festival, billets en vente chez Bimbo Tower, 5 passage Saint-Antoine Paris 11eme (entrées, de gratuit à 20€, pass intégral à 70€).
Le rock expérimental des américains Deerhoof, tête d’affiche du festival au Trabendo jeudi 11. © DR
< 08'12'08 >
Sonic Protest, le « festival des musiques tordues »

Une semaine dédiée aux musiques « libres et tordues », selon le mot de ses organisateurs, c’est exactement ce qu’il nous faut en ce moment. Sonic Protest, né en 2003 aux Instants chavirés de Montreuil (la référence locale des musiques improvisées), a vu les choses en grand pour sa sixième édition, qui, pour la première fois, investit massivement la capitale. Amis du bruit blanc et des bidouillages, happenings et autres têtes chercheuses avant-gardistes, ou simples curieux des contre-allées musicales, Sonic Protest est pour vous, qui se décline en sept soirées, une kyrielle de lieux (Centre culturel suédois, Point Ephémère, Trabendo, Maroquinerie, 104, Maison des Métallos...) et toujours une multiplicité de propositions.

Autant dire qu’il s’agit bien d’un pari pour cet événement borderline, qui travaille inlassablement à la collision des marges musicales. Poptronics a donc voulu cuisiner les têtes pensantes du festival, Arnaud Rivière et Franq de Quengo. Leur programmation travaille la noise (Shit and Shine, The Skull Defekts, le 10 aux Instants chavirés), l’expérimental pop-rock (Deerhoof et Parenthetical Girls, le 11 au Trabendo), l’électro-punk (Die Goldenen Zitronen, le 13, Ich Bin, le 14), la poésie sonore (Joëlle Léandre, le 14), sans oublier les performances (dès ce soir avec l’ouverture du consulat parisien d’Elgaland/Vargaland à la galerie Nuit d’encre ou samedi à la Maison des métallos, pour une journée de concerts et performances où il ne sera pas nécessaire de bourse délier). En point d’orgue, quelques glorieux anciens sont de la partie : le punk chilien historique Alvaro, les Français Catalogue (Jac Berrocal et Jean-François Pauvros dans leurs œuvres) ou les Suédois punko-nihilistes de Brainbombs, qui donneront jeudi leur sixième concert en vingt-cinq ans de carrière !

Poptronics : Sonic Protest sort-il des marges pour devenir boulimique avec cette sixième édition ?

Arnaud Rivière et Franq de Quengo : Notre festival grossit d’année en année, on a même franchi un sacré cap cette année : les trois premières éditions duraient deux jours aux Instants Chavirés de Montreuil (ce qui nous permettait de bénéficier d’une subvention du Conseil général de Seine-Saint-Denis), on est passé de quatre jours (en 2007) à une semaine de zig-zag entre plusieurs lieux, histoire de ne pas lasser les gens. On ne voulait pas perdre l’idée de base de proposer des concerts gratuits ou pas chers. Garder l’esprit « do it yourself » des débuts et réagir contre l’omniprésence du laptop dans les musiques nouvelles.

Quelle est la ligne du festival ?

Peu à peu les Instants sont passés de l’acoustique pure à l’électronique et le rock un peu tordu. On aime bien l’idée de ce « rock pas rock », qui s’avançait vers l’électronique et la musique moins dansante (notamment par le label Mego, Fennez ou le collectif burö) aux Instants chavirés. Mais cette scène s’est un peu épuisée d’elle-même. Avec Sonic Protest, nous cherchons avant tout des formes vivantes pour créer des moments uniques et mélanger le tout. Nous avons suivi avec intérêt le phénomène de mode entourant la noise (qui a amené par exemple la Villette Numérique à muer en Villette Sonique), une scène qui nous passionne mais ne nous suffit pas.

Catalogue, live en 1984 :



Quelles sont les locomotives de la programmation ?

Les Américains Deerhoof sont la tête d’affiche la plus évidente : ils ont donné leur premier concert aux Instants chavirés avec Gorge Trio et nous sommes toujours restés en contact au fil des années. Dans le rock business, un tel suivi est rare, surtout quand un groupe grossit. Ça les intéresse de jouer à Sonic Protest parce qu’avec leur succès, on ne les programme plus qu’avec des gens qui leur ressemblent, en tournée ou festivals. Sauf qu’ils ont une vraie culture musicale et que ça les motive d’être confrontés à d’autres styles de musique.

On est aussi très contents d’avoir les Suédois Brainbombs (vendredi à la Maroquinerie), un groupe vraiment culte, très extrémiste et qui ne joue jamais. C’est la première fois qu’ils jouent depuis 1995. Ils ont accepté notre invitation parce qu’ils viennent du free, de la poésie sonore, de la performance. Nous n’avons pas d’autre solution que de mélanger nos goûts et nos différentes émotions. Les musiciens qui viennent à Sonic Protest apprécient en général ce mélange et ce manque voulu d’homogénéité.

Nous avons une prédilection pour les outsiders, c’est ce qui explique l’invitation lancée à Alvaro, le premier punk chilien qui a joué au côté de Joe Strummer avant les Clash (The 101’ers). Son premier album s’appelait « Drinking My Own Sperm », ce qui suffit à cadrer le personnage. Il se produira au 104 avec une chorale de dix enfants. Il faut aussi citer Noël Akchoté, qui reprendra samedi à la Maison des Métallos des morceaux de Kylie Minogue.

Les mystérieux Brainbombs en studio :



Et chez les artistes émergents ?

Die Goldenen Zitronen (samedi au Point Ephémère), qu’on a pu découvrir l’an dernier au festival Musique Allemand. Ils ont une culture très mixte, à la fois punk, rock et électro. On peut les qualifier de punks politiques autonomes totalement 80’s mais ils sont très proches également de Peaches et Chicks on Speed pour l’esprit décalé. Avec les Corses Ich Bin, le ton est nettement plus déconnant. Le groupe refuse en général les concerts, on est d’autant plus contents de sa présence (dimanche au 104). Ils jouent une électro froide, post-indus martiale, mais pour ce qui est des textes, c’est un mélange de l’esprit de « Hara-Kiri » et de rock alternatif. Ils ont déjà joué à Sonic Protest en 2007, le soir des résultats de l’élection présidentielle, grand souvenir... Leur univers est plus subtil qu’il en a l’air. Il y a beaucoup de précision dans leurs shows, qui s’apparentent à des happenings très maîtrisés, avec beaucoup de préparation en amont.

« Ich Bin va détruire Paris » :



Y-a-t-il un propos politique dans la démarche du Sonic Protest ?

Notre travail en tant que festival, c’est de susciter des croisements et ne surtout pas attendre qu’un groupe soit en tournée pour le faire jouer. Sonic Protest est donc un mélange d’envies et de plans, et surtout un travail de réseau. Le fait de présenter des musiques libres, c’est déjà un acte fort et cela prouve qu’il est possible de monter à Paris un festival dédié aux musiques tordues sans que ce soit institutionnel. Notre credo du « d’abord pour rigoler » est forcément politique. L’esthétique devient politique.

benoît hické et matthieu recarte 

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< 1 > commentaire
écrit le < 10'12'08 > par < fenicolas aRf gmail.com >
il me semble que les Ich Bin sont alsaciens (cf le Désert de Foutre)