Jour 12 du récit d’expédition arctique d’Agnès de Cayeux et Maëlla Mickaëlle pour Poptronics, à partir de leur projet d’installation en VR « 360 notes prises au Nord », filmé en caméra 360 cet été au Groenland, avec Dark Euphoria et Bionic Bird.
Agnès à Oqaatsut par une journée très chaude du joli mois de juin, photographiée à la Game Boy. © Copyleft
< 08'07'23 >
Jour 12, Carnet de bord du cercle polaire, Léonie

Agnès de Cayeux et Maëlla Mickaëlle tournent cet été au Groenland « 360 notes prises au Nord », un film pour la réalité virtuelle. Leur Carnet de bord du cercle polaire pour Poptronics rend aujourd’hui hommage à Léonie d’Aunet, première femme à avoir parcouru la mer arctique au sein d’une expédition polaire au long cours.

Jour 12, Carnet de bord du cercle polaire, Léonie

Où il est question d’un passage exceptionnel du « Voyage d’une femme au Spitzberg » de Léonie d’Aunet. En 1839, à 19 ans, elle monte à bord du navire français La recherche. Au mouillage dans la baie de la Madeleine, elle arpente une presqu’île non cartographiée sur laquelle elle découvre une cinquantaine de corps ensevelis dans des tombes, des cairns, ou bien à moitié dévorés. Les uns sont morts au XVIème, les autres au XVIIème, tous pêcheurs de phoques.

(liminaires)

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Je suis restée longtemps, seule, près de ces tombes, songeant à leurs destinées. Noyée de pitié, émue, absorbée, rêvant et imaginant. Puis, je me suis éveillée, silencieuse, le corps réanimé, la chaleur soudaine. La mort victorieuse. Enfin, nous nous réchauffons.

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Ce jour continuel, ce ciel étrange, invariable. Cet incalculable paysage qui m’entoure, l’âpreté du climat, blottie sous un énorme manteau de soupirs. Et puis ces tombes, ces corps engourdis, posés là, les corps réinventés. La mort victorieuse. Enfin, nous nous réchauffons.

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Silencieuse et perdue, je regarde ces tombes et je compte les cercueils et les corps. Sans épitaphes, sans monuments, sans fleurs, sans souvenirs, sans larmes, sans regret, sans prières. Ce cimetière désolé. Celui de l’oubli. La mort victorieuse. Enfin, nous nous réchauffons.

(rêveries)

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De loin, l’île ressemble à une enceinte fortifiée par des géants ; ses formidables rochers, minés sans cesse par les flots, contractent des formes monumentales. Vers la pointe du Nord, les grands rochers, percés de part en part, se noient dans l’océan.

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La côte fait face aux terres inexplorées. La baie précède les roches. Entourée de toutes parts, montagnes de granit et de glaces. Immenses glaciers, amas de neiges et de froideurs.

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Les glaces entourent les plages et recouvrent la mer. Ces glaces qu’aucune poussière n’a jamais souillée. Ces glaces immaculées. Rochers de pierres précieuses.

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De nos îles flottantes, sans cesse minées par la mer, mouvantes et oscillantes. Sorte de débris d’une ville de fées, détruite tout à coup par une puissance supérieure et condamnée à disparaître sans laisser de vestige.


(Re)lire les précédents épisodes du Carnet de bord du cercle polaire : épisode 1, épisode 2, épisode 3, épisode 4, épisode 5, épisode 6, épisode 7, épisode 8, épisode 9, épisode 10, épisode 11.

agnès de cayeux 

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