« Mission Eternity » : projet du collectif etoy.Corporation visant à récolter les traces numériques laissées par quelqu’un de son vivant pour pouvoir les consulter après sa mort. Après moi le néant ? Pas si sûr.
Diffusion sur Arte le 14/12 à 22h15 du documentaire « Une histoire de branchés » de Laurent Lunetta, avec la participation d’etoy.Corporation et le 30/12 sur la télévision suisse allemande SF1, on pourra voir « Mission Eternity » d’Andrea Reiter, un documentaire (en allemand) consacré au collectif.
« Arcanum Capsule, Interactive Multiuser Sarcophagus », le portrait digital d’un individu, susceptible de traverser le temps et l’espace. © etoy
< 13'12'07 >
Sur le Net, à la vie à la mort

Au « Moratorium des Frères Bien-Aimés », société de pompes funèbres suisse, Glen Runcinder vient rendre visite à sa défunte femme, Ella Runcider. L’histoire peut paraître banale sauf que Glen vient la réanimer pour discuter un instant avec elle d’un problème urgent à régler au sein de sa société. Cette vision de l’éternité, sous la plume du maître de la science-fiction Philippe K. Dick dans son roman « Ubik », peut faire sourire, jusqu’à ce que la réalité rattrape la fiction… Explorer la vie après la mort, indépendamment des croyances religieuses et des spéculations scientifiques, c’est la grande ligne du dernier projet artistique d’etoy.Corporation. Curieusement lui aussi implanté en Suisse, le collectif part d’un constat simple : il existe une multitude de traces de nos vies dans les innombrables fichiers numériques et autres bases de données du monde d’Internet.

Et c’est ainsi qu’est née « Mission Eternity », une œuvre titanesque, où vingt-trois agents du collectif se partagent une immense charge de travail structurée autour de trois grandes phases :
- « M∞ Arcanum Capsule », soit la mise en place d’un portrait esthétique informationnel composé de traces numériques collectées, préservées et réactivées après la mort d’un être humain.
- « M∞ Angel Applications » prend en charge les besoins techniques et matériels tels que l’infrastructure, le serveur ou les connexions réseaux, dans le but de distribuer les informations numériques contenues dans la capsule.
- Et enfin la structure, « M∞ Bridges », un container, objet visible et exposé dans les différents lieux d’arts. Il sert de témoignage, de cercueil et de lien entre la vie, la mort et l’art.

Etoy.Corporation travaille actuellement avec quatre humains volontaires à l’éternité informationnelle, les « M∞ Test Pilots ». Tous sont des pionniers dans le domaine de l’informatique et de l’information et sont profondément impliqués dans la production de l’œuvre. En pratique, une sorte de planning post-mortem permet de recréer une présence active, envoyer des témoignages, des e-mails, diffuser les diverses informations pré-enregistrées d’un vivant dans une temporalité où sa présence physique n’est plus. Cette idée aurait pu être exploitée dans le dispositif « Email to the future » de l’artiste David Guez, si, bien évidemment, l’auteur du mail prenait soin de considérer une date de réception du message supérieure à celle de son espérance de vie. Mais avec « Mission Eternity », ce n’est pas un simple e-mail que l’on peut faire parvenir de l’au-delà. C’est 50 Mo (mégaoctets) de données que l’on peut sauvegarder, programmer et échanger avec le monde des vivants. Un paradis de bits circulant pour l’éternité dans la sphère globale de l’information, accueillis dans la mémoire partagée de milliers d’ordinateurs et gérés via le réseau et les différents dispositifs mobiles.

On croirait à une blague, dans la stricte lignée de l’hacktivisme anti-commercial auquel les artistes de ce groupe nous avaient jusque-là habitué : brouiller les frontières entre art, identité, politique, dans le but de créer un impact massif sur les marchés globaux et ceux de la culture numérique. Sauf qu’etoy.Corporation revendique la réalisation entière et totale de l’une de ces capsules, d’ores et déjà présentée en 2006 devant le Musée d’art de San José pendant le festival « ISEA » ainsi qu’en 2007 lors de la manifestation « Art en plein air » de Môtiers (Suisse). De plus, deux autres capsules sont en cours de réalisation, celle du « pape du microfilm suisse » Sepp Keiser (Test Pilot Keiser, né en 1923) et celle de Timothy Leary (1920-1996), l’écrivain culte américain, gourou du LSD et ci-devant Test Pilot Leary ; deux autres candidats sont encore au stade de l’évaluation. Sans compter les 849 autres inscrits...

La très sérieuse Fondation Telefonica, qui promeut la création artistique basée sur les nouvelles technologies et la vie artificielle, vient de décerner son premier prix à « Mission Eternity Sarcophagus » lors des Vida Awards en novembre dernier. Fidèles à eux-mêmes, les artistes d’etoy.Corporation ne perdent pas leurs bonnes habitudes polémiques. Dans l’émission « Mise au point » diffusée sur la TSR, Marie-Dominique Genoud, directrice de la fondation As’trame, s’inquiète de cette immersion de la mort dans la vie opérant « une confusion des frontières » si importantes dans le travail de deuil.

L’imaginaire du cimetière cryonique où gisent les « semi-vivants » cède la place aux containers mobiles où enfermer les souvenirs numériques de nos défunts. Et si ces prémices de la communication avec les morts n’étaient qu’une préfiguration d’un avenir proche, où nous téléchargerions allègrement le cerveau de nos proches disparus dans nos baladeurs numériques ?

aude crispel 

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< 1 > commentaire
écrit le < 14'12'07 > par < dgspa Qqd free.fr >
oui mais n’oublions pas les théories tres serieuses concernant 2012 et l’inversion des poles magnetiques.ce qui compte c’est le désir, le sens du message et pas les mega octects , c’est pour cela que j’ai refusé d’attacher un contenu à l’email vers le futur...en fait si , je pense que le son est valide. et peut être que le protocole genetique a regler le probleme depuis longtemps + la conservation de l’espere par panspermie. a present, il est plus credible de considerer à l’effondrement du web à d’ici qqls années david guez